Récit de la course : La Trans'Aq 2005, par LeSanglier

L'auteur : LeSanglier

La course : La Trans'Aq

Date : 3/6/2005

Lieu : Soulac Sur Mer (Gironde)

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Distance : 240km

Objectif : Terminer

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Une superbe balade

TROIS MOTS SUR LA COURSE

La Trans’ Aq est une course à pieds en six jours en six étapes, menant les coureurs de la Pointe de Grave à Vieux Boucau, le long du littoral Aquitain. Au menu, de la plage, des dunes, des sentiers forestiers, du sable, du sable, et encore du sable. Une étape de nuit est également au programme. De petites possibilités de choix de parcours seront données, pour gagner par ci par là quelques centaines de mètres. La particularité de cette course à étapes : l’autonomie. Chaque coureur doit emporter dans un sac à dos sa nourriture et son matériel pour les trois premiers jours de course, un petit sac étant récupérable à l’issue de la troisième étape. Le couchage est assuré le soir dans des tentes, sans autre confort qu’une toile au-dessus de la tête, le reste est à emporter ave soi. La course a été imaginée il y a des années par Gérard Caupène, coureur et co-organisateur, et a vu le jour grâce à la participation de sa compagne Caroline. Ils sont entourés d’une équipe de bénévoles et d’assistance médicale parfaite, très proche des coureurs. Petite anecdote : ma sœur fait partie des bénévoles, rattachée à l’équipe seulement quelques jours avant le départ de la course !

IMMERSION DANS UN MONDE ETRANGE

La réalité de la Trans’ Aq commence pour moi vendredi soir par une arrivée sur le camping du Pin Sec, désert en ce début du mois de juin. Je tenais à venir la veille des contrôles, afin de faire connaissance avec un maximum de monde, et de passer une première nuit sous tente, pour m’habituer aux conditions.
Rencontrer du monde, coureurs, bénévoles, accompagnateurs, échanger avec tous ces intervenants, sur les courses, le sport, la vie en général, voilà une des motivations que j’avais en venant sur la Trans’ Aq. Ce format de course, où l’on vit en communauté fermée pendant une grosse semaine, implique forcément des échanges, parfois légers, parfois beaucoup plus profonds, mais toujours enrichissants. Surtout que lors de cette première, quelques Allemands, Espagnols, un Anglais et un Marocain doivent être de la partie, de quoi découvrir d’autres cultures, et pratiquer un peu les langues étrangères…
Mon second but, en venant cette semaine en Aquitaine, était de découvrir la région, de la plus belle manière qui soit, à savoir à la force des jambes. Parcourir un pays qu’on ne connaît pas, selon un itinéraire mitonné aux petits oignons par une organisation qui connaît le coin comme sa poche, c’est vraiment formidable. Avec en plus les commentaires des gens du cru, toujours prompts à vous glisser à l’oreille la légende du coin, ça devient carrément une initiation touristique à la pointe. Il faut dire que la région se prête merveilleusement au tourisme : les paysages sont variés, toujours magnifiques, et le beau temps règne en maître, de quoi prendre de jolies couleurs.
Enfin si j’étais présent sur la Trans’ Aq, c’était aussi pour valider ma progression sportive, et me tester sur une course à étapes avec portage de matériel et nourriture. Le fait qu’elle se déroule en France, et que le budget reste abordable n’ont pas été des points négligeables dans mon choix.
Contrairement à beaucoup d’autres, je suis venu sans téléphone portable ni appareil photo, considérant que cette course serait justement un moment privilégié, hors du temps. Mais bien vite je me rendrai compte qu’il est vraiment impossible de se passer de ses proches, et la carte de crédit faisant des miracles, je marquerai tout au long du trajet les cabines téléphoniques de mon passage…

ADAPTATION ET CONTROLES

Le bivouac est séparé en deux : d’un côté l’organisation, avec deux grandes tentes et le camion du traiteur (eh oui, pendant que les coureurs rognent des racines, le staff s’empiffre !), de l’autre les coureurs disposant de sept tentes de neuf places. Le principe est que chaque coureur choisit une tente où il reste des places libres en arrivant, et reste dans cette tente jusqu’au bout de l’épreuve. Je me décide un peu au hasard pour « La Gracieuse », choix judicieux, puisqu’elle hébergera pendant la course les meilleurs camarades dont j’aurais pu rêver ! Cyril, qui arrivera le lendemain, la seule personne que je connaissais (très peu) avant course, mais aussi René Heintz, légende de l’ultra toujours conciliant pour parler de ses aventures et prodiguer des conseils, et des gens remarquables, comme Bernard, Dominique, Sandrine ou Pascal. Tous auront eu à cœur dans cette tente de conserver un esprit, une cohésion, jusqu’à la fin. Il n’y a pas à dire, l’esprit de bivouac existe, et c’est peut-être un peu lui qui nous a aidé chacun à nous approcher de notre objectif.
Samedi, journée des dernières arrivées et des contrôles, techniques et médicaux. Ils sont assez rigoureux, sans toutefois être trop sérieux. L’ambiance est bon enfant, tout le monde semble être là pour prendre du bon temps, côté coureurs comme côté bénévoles. Je commence à repérer les figures qui se démarquent : Brahim, le Marocain venu là pour la victoire, Stéphan, un triathlète joliment bâti prétendant au podium, les Allemands porteurs de tee-shirts Finisher Badwater (ouch !), Lucile Bellotti, prétendante à la victoire féminine, et puis tous les autres, notamment ceux dont on se dit « ouh la, je ne le vois pas arriver au bout celui-là ». Je m’en veux de penser ce genre de choses, surtout que bien souvent les évènements me donnent tord, mais c’est irrépressible. Au final, le peloton sera très bigarré, entre la quinzaine de coureurs très expérimentés, les habitués de ce genre de course, les « première fois » comme moi, et un fond de peloton un peu juste en terme d’expérience.
Les contrôles se passent bien pour presque tout le monde, médicalement rien à signaler, côté sac les poids sont échelonnés de 3,5kg à 8,5kg, les deux extrêmes étant dans notre tente ! Un seul coureur n’aura pas les calories minimales requises, ceci malgré une première expérience sur le Marathon des Sables. Il complètera son sac, mais visiblement il n’était pas prêt à affronter la Trans’ Aq puisqu’il jettera l’éponge lors de la première étape, après une trentaine de kilomètres.
Nous y voici enfin, après une énorme pasta-party (nous avons du engouffrer chacun près de 800g de pâtes !) nous regagnons nos tentes pour la nuit d’avant course. Tout le monde est concentré sur le lendemain, chacun y va de son petit rituel avant de se coucher. On nous a remis le road-book, on sait d’ores et déjà que ce ne sera pas facile. Je lis quelques pages de « Les Mots » de JP Sartre avant de m’endormir, comme je le ferai chaque soir, une sorte de lien avec la personne que j’aime, laissée à la maison. C’est difficile de se savoir loin des siens, à profiter de ce que nous offre la vie, à s’amuser, alors que toutes les contraintes retombent sur ceux qu’on a laissés. Seconde nuit sous tente, seconde nuit de non sommeil. Je ne dormirai pas plus de trois heures par nuit d’ici à la fin de la course, ce sera bien là mon plus lourd handicap.

PREMIERE ETAPE : Dimanche : mise en bouche musclée !

Le clairon n’a pas sonné, que tout le monde est déjà debout et affairé. Pas de grasse matinée, pas de croissants au petit déjeuner : l’autonomie a débuté la veille, et ce matin c’est muesli réhydraté, semoule et purée. Chacun y va de son réchaud, de son trou creusé dans le sol meuble, de sa gamelle, sa canette de métal recyclée en casserole, de sa popote alu toute cabossée, de son petit feu de bois allumé au carton, ou de son feu chimique à base de pastilles d’alcool concentré. Tous ? Non, un cas à part, dans notre tente, « La Gracieuse », le porteur du numéro 1, Pascal, ne mitonne pas ; il grignote juste quelques cacahuètes, quelques miettes de biscuit, et referme sa pochette étanche de nourriture. Il faut dire qu’il a le sac le plus léger du peloton, avec 3,5kg ! Pour comparaison, je suis à 7,5kg, et certains approchent les 9kg, la moyenne étant située à 6,5kg !
Le départ a lieu à la Pointe de Grave, à quelques dizaines de kilomètres au nord d’ici. L’arrivée se fera en plein milieu de notre camping, et sur le ton de la plaisanterie plusieurs concurrents évoquent l’idée d’enterrer leurs affaires inutiles en course sous leur tente, histoire de ne pas avoir à les transporter et de les retrouver le soir même. Peine perdue, Gérard veille au grain et nous prévient que les lieux seraient soigneusement inspectés ! Il fait bien de surveiller ses ouailles notre gentil organisateur, l’avenir lui donnera raison…
L’acheminement en car est assez long, et chacun y va de sa méthode pour tuer le temps : des stressés qui vérifient et revérifient mentalement le contenu de leur sac, aux blagueurs qui déballent leur répertoire complet, en passant par les vieux briscards des épreuves de ce genre qui donnent des conseils aux néophytes. Et des néophytes, il y en a une bonne proportion ! Cyril et moi sommes tous deux ici pour une première expérience sur ce format de course, et j’ai l’impression que la plupart d’entre nous le sont aussi, peut-être près de la moitié. A commencer par notre tente, où seul René Heintz a déjà couru en long en large et en travers sur notre planète, les huit autres membres sont plutôt débutants. Ceci va contribuer à créer une ambiance particulière, d’entraide, de solidarité, un véritable esprit de tente, une « tentattitude » que l’équipe organisatrice a bien fait de favoriser.
Enfin, la Pointe de Grave. Derrière nous, Royan, à droite l’océan, à gauche les dunes, devant : le sable. Des kilomètres et des kilomètres de plages qui nous sont offerts, nous qui venons défier le littoral aquitain. Défier, c’est bien le mot, car nous l’apprendrons vite à nos dépends, le sable aquitain est vicieux. Il piège le coureur, sa finesse le rendant difficilement courable, sauf quand l’océan vient de se retirer et laisse un morceau de plage au sable dur libre. Ah, sauf que bien entendu, les plages sont inclinées, toujours dans le même sens puisque nous descendons continuellement vers le sud, et que courir sur du sable dur incliné, ça a tendance à provoquer quelques jolies tendinites. N’oublions pas bien sûr que le sable a tendance à s’insinuer dans les moindres trous laissés à sa portée, et que les runnings se transforment bien vite en récipients où les orteils n’ont d’autre choix que de vivre recroquevillés dans un petit coin.
Tout ceci, nous ne le savons pas encore, alors qu’encadrants et coureurs égrènent le compte à rebours qui va nous libérer : « Trois… Deux… Un… ». L’ouverture d’un grand magasin le premier matin de la période de soldes ne provoque pas davantage de précipitation. C’est à celui qui sera devant, et on aperçoit très vite en tête se découper les favoris de la course, encadrés des « meneurs de dix minutes » heureux de figurer parmi les premiers à arpenter le parcours de cette première Trans’ Aq. Moment historique que j’apprécie de l’arrière, parti tranquillement, heureux comme un pape de me voir projeté au milieu de cette photo typique d’un peloton de coureurs portant de quoi vivre sur le dos, peloton qui s’étire sur une plage bordée par l’océan. C’est tout simplement magnifique, et ça se passe en France. Merci aux instigateurs !
Cette première étape doit nous donner un sérieux avant-goût de tout ce que nous allons rencontrer par la suite : plage et sentiers de bord de plage, forêts profondes et pistes sablonneuses voire pare-feux, puis sentiers agréables d’arrière-dune. Tout ceci en quarante-huit kilomètres, de quoi sérieusement se mettre en jambes ! Durant les six étapes, nous aurons pour nous aider dans notre cheminement un road-book remis la veille, nous indiquant, non seulement le chemin à suivre, les balises et contrôles, mais aussi les principales difficultés, et les points remarquables. Nous avons également une indication du relief, de la végétation, et l’autorisation a été donnée de couper là où bon nous semblait, pour gagner quelques dizaines de mètres par ci, pour éviter une petite bosse par là, ou un chemin sablonneux. C’est ainsi qu’à chaque remise de road-book, on assistera à un véritable déchiffrage de la carte, dont Dominique Sikora, le fameux numéro 38, se fera une spécialité.
Outre le road-book, le chemin à suivre est bien entendu balisé ; pas de ligne bleue au sol, pas de surbalisage, nous évoluons dans un environnement naturel qui n’aura pas eu à souffrir de notre passage, l’équipe de bénévoles posant et ôtant le balisage juste avant et après notre étape. De même, on aura vu très peu de dégradations, de papiers d’emballages abandonnés, de bouteilles traînant hors des poubelles. Le peloton est discipliné, propre, presque exemplaire, à la mesure du favori de l’épreuve, Brahim Akhdar, venu du Maroc pour l’occasion, jeune homme d’une grande gentillesse, respectant les premiers comme les derniers.
Les premiers kilomètres de plages et de dunes s’égrènent bien vite, et déjà l’on observe plusieurs orientations, entre ceux qui suivent scrupuleusement le parcours tracé à l’avance, ceux qui osent de petits écarts, et ceux qui coupent carrément de grandes portions de chemins désignés comme « très sablonneux ». Ce sera mon cas d’ailleurs, au kilomètre 17 environ, j’avais décidé la veille, conforté par mes collègues de « La Gracieuse », d’éviter environ cinq kilomètres de pistes stabilisées et chemins sablonneux. Une vingtaine de personne auront choisi cette option ce jour-là, surprenant l’organisation qui ne s’attendait pas à une telle liberté avec son parcours. Ce sera d’ailleurs l’occasion d’un rappel à l’ordre au débrieffing du soir même, Gérard nous demandant de ne plus couper autant qu’on a pu le faire aujourd’hui, et de ne plus emprunter de macadam, hors pistes cyclables désignées sur le road-book. L’ensemble des coureurs respectera cette consigne sur le reste de la course, hormis peut-être durant l’étape de nuit, où on retrouvera quelques libertaires capables de drôles de raccourcis…
En milieu d’étape je commence à reprendre plusieurs coureurs, sans doute partis un peu vite, ne se rendant pas compte de ce qui les attendait. J’ai la surprise notamment de rattraper Gilles Vermillon, un coureur rencontré l’année précédente au Trail 91, un gars qui vaut moins de 2h50’ au marathon, moi qui vaut plus de 3h15’ ! On discute un peu ensemble, quelques encouragements, une tape, et je repars. Etrange comme les situations peuvent s’inverser selon le type d’effort.
Kilomètre trente-deux, juste après un ravitaillement bienvenu par cette journée caniculaire (l’organisation nous remet à chacun 1,5 litre d’eau à chaque point de ravitaillement, tous les quinze kilomètres environ), le sentier se transforme en une petite piste serpentant dans les fourrés. C’est une zone de forêt humide très ludique, près de six kilomètres passent ainsi à toute vitesse, sans que je m’en rende compte.
Je me sens plutôt bien, après tout en tant que coureur de long, qu’est-ce qu’une épreuve de moins de cinquante bornes ? Hum, bien présomptueux comme jugement. Il n’y a qu’à voir, au kilomètre trente-sept environ, je retrouve un de mes compagnons de tente, Dominique, affalé contre un arbre. Dire qu’il ne tient pas la meilleure des formes est un doux euphémisme. Le pauvre est carrément blême, et ne se sent vraiment pas très bien. Après quelques minutes de discussion, je le laisse se reposer encore un peu, finalement il nous expliquera avoir été victime des effets combinés de la chaleur et d’une mauvaise alimentation, les gels qu’il s’était réservé ne passant pas. Forcément, plus de trente bornes sans s’alimenter, par trente-cinq degrés, ça ne risque pas de bien se passer. Dominique finira loin aujourd’hui, mais il se rattrapera dans les jours suivants…
Cela dit, j’ai beau manger et boire convenablement, la chaleur et les heures de course commencent à se faire ressentir, et très bientôt la fatigue me tombe dessus, en même temps que je vide les dernières gouttes d’eau de ma poche à liquide. Il reste encore cinq bons kilomètres, que nous allons parcourir à deux, nous relayant pour relancer les périodes de course.
Il fait vraiment très chaud, et nous bénissons les zones d’ombre qui nous épargnent quelques minutes la brûlure du soleil. Heureusement, j’ai prévu (enfin, on a prévu à ma place, messieurs, remercions mesdames) de la crème solaire, et je ne souffrirai jamais de brûlures durant la Trans’ Aq, contrairement à certains coureurs qui seront écarlates dès le premier soir.
Enfin, un dernier poinçonnage (très bonne idée, d’avoir inséré une carte à poinçonner pour cette course, le poinçonnage de balises est très ludique, et oblige à maintenir en éveil) et mon compagnon de route me lâche, filant vers l’arrivée qu’il franchira quelques secondes avant moi. Je finis cette étape vingtième sur soixante-deux partants, en un peu moins de six heures. Le premier, Stéphan Vernay finit en moins de 4h30’, alors que le plus lent du jour met pratiquement 8h30’. Trois personnes auront abandonné lors de cette étape, cueillies par la difficulté de l’épreuve.
Une fois arrivés, le rythme du bivouac prend son essor : chacun vaque à ses occupations du soir, assez diverses. Prendre une douche, passer des coups de fil à la famille, se reposer, ramasser du bois, faire la lessive, papoter, détailler le road-book du lendemain, vérifier une n-ième fois ses affaires, aller chasser ou pêcher (je vous rassure personne n’en est arrivé à cette extrémité, quoique… Certains auraient aperçu des chasseurs de pizzas, encore une digression dans l’esprit de la course !). On en profite pour discuter entre membres de la tente, esquisser nos parcours, les raisons qui nous ont menées ici, la manière dont on envisage les jours suivants, nos espérances pour l’avenir plus lointain. Encore une fois, ces moments partagés chaque soir renforcent très rapidement les liens, et quelques jours plus tard c’est avec de réels regrets que nous nous quitterons.

SECONDE ETAPE : Et on remet ça !

Les pendules ont été mises à l’heure hier : la Trans’ Aq se révèle une course difficile, ce ne sera pas une promenade de santé ! Alors les 31 kilomètres du jour seront pris pour la plupart à un rythme un peu plus prudent que la veille, à raison. Toutefois devant, ce n’est pas le cas, on aperçoit encore les premiers partir à toute allure, même s’ils ne pourront la suivre longtemps. Ainsi Bernard, de ma tente, partira chaque jour dans les premiers, je le rattraperai à chaque fois au bout de quelques kilomètres, et il finira en queue de peloton. Mais à chaque fois il aura été parmi les meneurs, et il finira toujours, c’est ce qui comptait pour lui. Et quand on a le plus gros gabarit du peloton, et qu’on porte le sac le plus lourd, il n’y a qu’une chose à dire : chapeau !
Les treize premiers kilomètres se passent moyennement pour moi, je ne suis pas totalement en course, d’ailleurs je loupe des embranchements qui m’auraient évité des bosses. Qu’à cela ne tienne, ça avance quand même, et au bout de treize kilomètres me voici au bord du lac d’Hourtin. Alors là, c’est le rêve : le terrain est ludique à souhait, ça monte, ça descend, sur un sentir très étroit, bordé de fougères et de branches entravant le passage, le tout avec la vision du lac à quelques mètres à gauche, c’est superbe ! Du coup les kilomètres s’enchaînent jusqu’au 21ème, j’aurai eu l’occasion de reprendre Gilles, comme la veille, dans ce tronçon.
La fin de la bordure du lac est l’occasion de prendre de l’altitude via un raidillon impressionnant, où je rattrape les femmes de l’équipe Interflora. Du coup je me dis que je suis peut-être un peu rapide, elles sont bien meilleures que moi les filles ! Je temporise un peu, mais je me plante dans la suite du parcours, et du coup me voici en plein hors piste, en train de sauter entre les fourrés, d’éviter les arbres abattus… C’est génial, je m’amuse comme un fou, sans m’inquiéter puisque je vois en contrebas deux coureurs poursuivre leur chemin. Cette partie de la seconde étape est vraiment celle que je retiendrai de la course, c’est un terrain idéal pour les trailers, il y a du dénivelé, les chemins sont ludiques, le paysage magnifique, le soleil est là, que rêver de mieux ?
Après ces passages très amusants, direction plein sud pour rejoindre la plage de Carcan, puis son camping. Dans les trois derniers kilomètres, j’accélère sans cesse, sentant le souffle d’un Espagnol dans mon cou. C’est dingue qu’en pleine nature et après deux jours d’effort l’esprit de compétition arrive encore à vous faire avancer plus vite, sans penser aux conséquences sur le lendemain… Bref, arrivé 23ème en 4h24’ pour moi, contre 3h02’ pour Brahim et 6h20 pour le dernier, quatre abandons de plus ce jour. Ce fut une journée magnifique !
Cyril et Marie, ma sœur, relaient les encouragements qui proviennent du monde extérieur, des amis et de la famille laissés à la maison. Les UFOs notamment se déchaînent, nous prodiguant moults vœux de bonne route. Ce soutien comptera pour beaucoup dans les passages difficiles, où il est toujours bon de visualiser les gens qui nous soutiennent afin de retrouver un peu d’ardeur et de courage.

TROISIEME ETAPE : La longue

On peut dire qu’elle a fait parler, qu’elle a fait frissonner, cette étape ! La plupart des coureurs appréhendaient cette journée, et les 62 km qui allaient avec. L’étape longue, déterminante pour la plupart : si ça passe ici, c’est gagné ! Je ne voyais pas les choses comme ça pour ma part, l’étape longue est une étape comme les autres, avec les mêmes principes, les mêmes aléas. D’ailleurs mon amie m’avait rassuré la veille au soir sur mes capacités : « j’ai confiance en toi, je sais que tu peux y arriver ». Bien sûr que je peux y arriver ! Je ne serais pas ici sinon, je suis venu dans une optique plaisir, et pas compétition, et revenir à Paris sans terminer est pour moi inenvisageable. Bref, je pars beaucoup plus sûr de moi que la plupart des membres du peloton, comme Cyril par exemple, qui n’est vraiment pas rassuré sur sa capacité à terminer ce jour.
C’est parti par 8km plein sud jusqu’à Lacanau, première partie courue rapidement sur des sols à peu près stables. Puis arrive la plage de Lacanau, à marée haute, donc sur sable plutôt mou, pffff que c’est pénible ! La suite nous offre quinze bons kilomètres de chemins agréables, plus ou moins sablonneux, mais dans des environnements qui aident à passer le temps. Le soleil donne pendant cette période, les passages sans ombre font mal !
Le ravitaillement du km 34 est l’occasion pour beaucoup de prendre un repas chaud. C’est assez amusant de voir les coureurs déballer le réchaud et se faire chauffer un plat lyophilisé, une soupe, des pâtes… Pour ma part ce sera juste soupe froide et noix de cajou, avant de repartir de plus belle, en passant par l’un des pare-feu les plus pénibles de tout le parcours ! A l’occasion de ce ravitaillement j’ai retrouvé Gilles, pour le troisième jour de suite, décidément ! Il est reparti cinq grosses minutes avant moi, mais j’avais l’intuition que je le reverrais avant la fin de l’étape…
Et ça continue vers le sud, variation de terrains sablonneux, caillouteux, bitumeux… Je cours et marche, toujours à une allure correcte malgré la chaleur, les sensations sont bonnes. Proche du 50ème km arrive le second ravitaillement, où je trouve mon Gilles affalé par terre à l’ombre dans un état plus proche d’un mourant que d’un coureur ayant encore 14km devant lui ! Quelques noix de cajou, paroles réconfortantes et la promesse de repartir ensemble auront raison de ce coup de mou, et c’est effectivement tous les deux que nous repartons dix minutes plus tard. Que je me sens fort dans ces moments où je trouve plus faible que moi ! C’est étrange à dire, un peu malsain, mais de repêcher des gens dans la mélasse, des gens sensés être meilleur que vous sur le papier, ça vous donne un sacré coup de mieux !
Nous repartons ainsi, marchant à très bonne allure, sur une piste cyclable. Jusqu’à ce que je trouve qu’on la suit un peu longtemps cette piste, mais Gilles ne s’interroge pas plus que ça, alors on poursuit. Hé oui ! On poursuit jusqu’à ce que ça devienne vraiment inquiétant, et qu’on réfléchisse plus avant… Il n’y a pas à tergiverser, on a bel et bien loupé une bifurcation, et nous voilà repartis par un chemin de traverse pour aller poinçonner une balise manquée 2km en arrière ! Grmbl, c’est bien ma veine tiens… Nous nous tapons l’aller-retour par un horrible chemin sablonneux et avec du dénivelé, ça nous apprendra à être plus vigilant ! Enfin, revenus sur la bonne route, je lâche Gilles en m’étant assuré qu’il finirait l’étape coûte que coûte, et j’essaie de rattraper un peu le retard accumulé, mais c’est peine perdue, puisque l’étape se finit par sept bons kilomètres de plage à marée haute, c’est-à-dire à peine à 5km/h, l’horreur. Enfin, au moins, on profite du paysage dans ces moments !
Je finis l’étape 31ème en 9h40’, le premier en 6h30’ et la dernière en 12h38’, la surprise du jour étant l’abandon de Brahim, vaincu par un genou récalcitrant depuis la première étape. Encore deux abandons ce jour, mais surtout, surtout, la satisfaction pour chaque arrivant de se voir applaudir à l’arrivée par le staff et les coureurs. Quelle émotion de voir Sandrine, notre compagne de tente, clôturer les arrivées quelques minutes derrière Anke, équipée de ses béquilles sur la plage… Incroyable, Sandrine avec son énorme sac, ses pieds meurtris, son visage marqué, et Anke pieds nus, avec ses béquilles, et le visage souriant. Il n’y a pas à dire, les femmes recèlent une volonté que nous n’atteindrons jamais nous autres les hommes.

QUATRIEME ETAPE : Douce nuit

De loin déjà, elle est impressionnante. Majestueuse, elle domine les environs de son énorme masse de sable accumulée là par les années. Je ne la pensais pas si longue, pas si haute, pas si… Tout. Nous rejoignons ses abords depuis notre campement au Cap Ferret, d’abord en car, puis en bac après avoir passé quelques dizaines de minutes au beau milieu de restaurants et terrasses de café, de quoi rendre fous les coureurs affamés que nous sommes ! Un autre petit tour de car, et nous voici lâchés au bas de la dune, pour un dernier check-up avant le départ, prévu à 22h, lorsque le soleil sera couché.
Chacun en profite comme à l’accoutumée pour se reposer, vérifier son matériel, discuter de ses derniers exploits… Pour ma part, je m’octroie une sieste bien méritée sur un banc de table de pique-nique, Cyril prenant place sur la table elle-même, ce n’est pas peut-être pas conventionnel, mais c’est très réparateur avant ce qui nous attend ! 35km de course en pleine nuit, dans une région inconnue, sur un terrain difficile, avec un sac dans le dos, il vaut mieux arriver au départ en pleine forme !
Parmi les coureurs, les états d’esprit sont très différents : on retrouve les impatients, qui adorent courir la nuit, et sont pressés de s’essayer à un brin d’orientation nocturne. Il y a les indécis, qui ne savent pas trop ce que cette épreuve va donner, pour certains c’est leur première course de nuit. Enfin, il y a les angoissés, qui n’ont jamais couru de nuit, ou qui ont peur de se retrouver seul au milieu de nulle part. Je fais partie de la première cargaison pour ma part, j’adore la course de nuit, j’y trouve des sensations complètement différentes que de journée, surtout lorsque je suis seul, ce dont je ne doute pas pour les heures à venir, étant donné la taille du peloton et la longueur de l’étape.
Sur cette étape, j’ai prévu à l’avance deux petits raccourcis, afin de gagner quelques centaines de mètres en tout, peut-être un demi kilomètre. J’entends certains concurrents parler de bien davantage de gains, et je m’étonne sur l’honnêteté de ce qu’ils comptent entreprendre. L’avenir me donnera raison, quelques-uns n’ont pas hésité à ignorer de larges portions de l’itinéraire, et de prendre les points de contrôle dans un sens anarchique, pour gagner plusieurs kilomètres. Bien décevant pour les coureurs honnêtes et l’organisation !
21h30, nous venons de monter au sommet de la dune. L’escalier accroché à son flanc nous a permis de la gravir sans trop de souci, je n’ose imaginer ce que ce serait sans lui. D’autant que le sable est mou, fuyant, épais, bref le pire sable que nous ayons foulé jusqu’à présent. Le sommet de la dune est balayé par un fort vent, mais ça n’empêche pas les coureurs, notamment l’équipe espagnole, de poser pour les photos. L’organisation a fait les choses en grand : l’arche de départ de chaque étape de la Trans’ Aq a été acheminée ici, et c’est à son pied que nous nous groupons peu après le coucher du soleil, écoutant impatiemment le discours du maire.
La pression est à son comble, les meilleurs sont devant, prêts à s’élancer, les anxieux regardent autour d’eux pour essayer de repérer une bouée à laquelle ils vont s’accrocher pour l’étape. Soudain le départ est donné, et la masse des coureurs se détache à des allures très diverses. Les premiers sont à plus de 10km/h, les derniers, dont je fais partie, partent prudemment, en marchant à 4 ou 5 km/h. Je pars sur le fait que courir dans ce sable est épuisant, et qu’il y a bien des kilomètres par la suite pour se rattraper.
L’avantage en partant derrière, est qu’on peut apprécier les différentes trajectoires prises par les précédents, et éviter les pires zones. Je m’aperçois bien vite qu’une bonne partie des concurrents a coupé très rapidement vers la plage, ignorant le chemin qui suit la crête de la dune sur 2,5km. Bah, ils loupent le plus beau du paysage, tant pis pour eux ! Mais il est vrai que ces 2500 premiers mètres sont éprouvants : je m’enfonce beaucoup, je dérape parfois sur le dévers, j’embarque beaucoup de sable dans les chaussures, je trébuche… Mais je ne suis pas seul, voilà qui est réconfortant : autour de moi, chacun peine de la même manière, et de voir ces compagnons de course lutter aussi contre ce sable fuyant renforce ma détermination.
Et voici la plage ! Finalement, ce n’était pas si dur, quand on est passé… Je vide mes runnings tout de suite, pas la peine de courir avec les doigts de pieds comprimés par le sable, il reste encore deux étapes après celle-ci, il ne faudrait pas s’abimer. Commence alors un moment féérique : à droite, l’océan vient lécher doucement la plage, produisant une douce musique apaisante. A gauche, une dune tranchée net, presque une mini falaise, surplombe le petit morceau de plage sur lequel nous évoluons. Derrière, on aperçoit l’ombre de la dune du Pyla, j’éprouve d’ailleurs comme une petite victoire d’en être sorti indemne. Et devant, devant… Une étendue qui semble infinie, un boulevard qui s’offre à mes pieds, un chemin qui ne mène nulle part mais que j’ai envie de suivre longtemps, très longtemps. Moment égoïste par excellence, j’éteins ma frontale, et l’obscurité m’engloutit. J’essaie de faire le moins de bruit possible, de dérouler une foulée souple, non heurtée, de respirer profondément, sans à-coups, et bien vite je nage dans le bonheur. Je rattrape plusieurs concurrents, frontale allumée, qui semblent surpris de me voir déboucher de nulle part. J’apprécie d’autant plus, j’ai l’impression d’être un surhomme, j’ai l’impression de pouvoir courir éternellement. Et puis soudain, on m’appelle, on me hèle. Je regarde dans la direction des appels, à gauche, et grommelle dans ma barbe de trois jours… Encore un peu, sans la vigilance du bénévole, je partais tout droit vers le sud, manquant la bifurcation vers les bois… Il est beau le surhomme ! D’ailleurs un Allemand aura fait la même erreur que moi à cet endroit, mais malheureusement le bénévole ne l’a pas vu passer. Il est allé jusqu’à Biscarosse, puis a finalement rebroussé chemin et suivi tout le parcours, alors que les bâtons lumineux étaient presque éteints et que les bénévoles avaient disparu. Quel sang-froid !
Je quitte la plage un peu à regrets, mais bien vite je reviens à de meilleurs sentiments, heureux de pouvoir m’amuser dans de petits chemins sablonneux au milieu des arbres. Cette fois, la frontale est réellement indispensable. L’obscurité est complète, pas même un quartier de lune pour nous éclairer. Tant mieux ! Tant qu’à courir de nuit, autant en profiter au maximum. La portion suivante est une enfilade de chemins sablonneux, où j’aurai la surprise de croiser des coureurs en sens inverse. Les voilà donc, les partisans de l’option « on passe à l’envers on gagnera un paquet de temps ». Et bien, si ça vous amuse messieurs… Personnellement je profite de la course dans le bon sens, et elle est très agréable. Malgré le noir, on arrive assez facilement à trouver son chemin, grâce aux rubalises, bâtons lumineux et aux bénévoles plantés au milieu des carrefours.
Le temps passe à une vitesse folle, j’ai l’impression d’être parti un quart d’heure plus tôt et pourtant c’est près d’une heure quinze de course qui s’est écoulée. Ah, voici le premier endroit où gagner un peu de chemin : le road-book indique à gauche, je pars tout droit, conservant le chemin stable au lieu de prendre une petit sentier sablonneux. Le coureur juste derrière moi hésite un instant, puis il opte finalement pour l’itinéraire normal. De mon côté, ce raccourci se transforme vite en petite galère : je me retrouve dans un chemin complètement défoncé par les engins de chantier, et en montée, ce que je n’avais pas vu sur le road-book. Bien joué l’orienteur ! Au final, je rejoins l’itinéraire de l’étape à peine dix mètres devant mon poursuivant, mais avec la satisfaction d’avoir tenté. On ne peut pas toujours gagner !
Quelques minutes plus tard, je passe un poste de ravitaillement. Les bénévoles me préviennent : attention, devant ça descend sec, et c’est assez dangereux, prudence dans le noir. Héhé, vous ne m’avez pas bien vu les gars ? Je suis le roi de la descente, vous allez voir ça ! Et me voici reparti, à bonne allure, dans l’obscurité impénétrable, dans l’attente de la descente de la mort. En effet, ça descend un petit peu. Mais vraiment un petit peu, ils sont bien frileux ces bénévoles. Soit, il fait noir, mais quand même ce n’est même pas du 5% ça se négocie à l’aise ! Oups, j’ai peut-être parlé un peu vite. Soudain, le chemin se rétrécit, complètement mangé par la végétation, en même temps qu’il plonge vers le bas. Ah ça pour une descente dangereuse, c’en est une ! Cette fois c’est à du plus de 45° que nous avons affaire, le tout encombré de tas de petits arbustes, branches basses, racines… C’est génial, très ludique, mais ça fait mal, quand une des dites branches vous tâte le front au passage… En tous cas, quelle montée d’adrénaline dans ce passage, plus d’un coureur y aura laissé un bout de peau, mais je pense que la plupart y ont pris un sacré plaisir.
La course se poursuit, radoucie. C’est un enchantement d’enfiler les uns après les autres ces sentiers, je m’y sens vraiment bien. D’autant plus qu’on n’y croise personne, et que les rencontres avec d’autres coureurs sont plutôt rares. La fin de l’étape approche, j’ai rejoins un morceau de piste cyclable, sensée m’amener tout près du bivouac pour la nuit, enfin pour le reste de la nuit plutôt, il est déjà près d’une heure du matin ! Et nous repartons en fin de matinée pour l’étape suivante, j’en connais un qui sera frais encore…
Tiens tiens, qu’est-ce donc qui arrive en sens inverse sur la piste ? Une frontale on dirait, et qui dit frontale, dit… Coureur. C’est mon bon vieux Gilles, toujours lui ! Même schéma cette nuit, le pauvre a l’impression de s’être trompé de chemin, il ne trouvait plus d’indications depuis un peu trop longtemps à son goût. Qu’à cela ne tienne, je vérifie soigneusement ma carte, et nous repartons ensemble, à allure réduite. Il faut dire qu’il avait le cardio bien haut le collègue, se retrouver seul, perdu, de nuit, dans les bois, dans une région inconnue, ça a de quoi vous faire monter les pulsations ! Nous finissons tranquillement cette étape ensemble, discutant de la pluie et du beau temps, ce qui aurait pu donner une image assez rocambolesque si quelqu’un nous avait aperçus, avec nos frontales et nos sacs dans le dos. Nous franchissons la ligne ensemble, main dans la main, et c’est un bonheur de voir le visage de mon compagnon de route exprimer des remerciements sincères. Ca vaut bien toutes les minutes perdues, pas de doute !

CINQUIEME ETAPE : Pas de répit !

Départ sur la plage, à Mimizan, pour cette très belle étape de 31km plein sud nous faisant traverser quelques montagnes russes. La particularité du jour ? Nous démarrons à 11h, alors que cette nuit nous courions, les meilleurs n’auront eu que sept heures pour récupérer, les moins bons à peine quatre…
Pour ma part, les premiers kilomètres seront courus sans y penser : je suis ailleurs, je pense à autre chose. La fatigue accumulée fait que je ne suis plus du tout dans le bain, seules les jambes ont le contrôle, la tête s’est déchargée de son rôle. C’est donc un peu surpris que j’arrive au 15ème kilomètre au courant de Contis, un petit cours d’eau sur la plage qu’on doit traverser. Je déchausse, et passe les runnings à la main, avant de rechausser de l‘autre côté, en prenant mon temps. Deux coureurs passent, je m’en fiche, je n’ai pas envie de forcer. Vers le 17ème, le ravitaillement me tend les bras, je m’y attarde un peu et voit arriver Cyril, qui semble en bonne forme. Nous repartons ensemble, pour la première fois quelqu’un me remonte le moral, ça fait du bien de ne pas se sentir seul.
Encore une fois, nous rattrapons Gilles qui n’est pas très bien, et joue au yoyo avec une féminine d’Interflora. Deux kilomètres plus loin, d’un coup je me pose une question : « Bon sang mon gars, tu es là pour quoi déjà ? Pour courir non ? ». Et hop, c’est reparti. Je remercie et salue Cyril, et je pars sans réfléchir plein sud, à bonne allure. Et ça fonctionne, les jambes tournent, les kilomètres passent. A partir de là je ne me poserai plus de question, et c’est à bonne allure que je finirai l’étape, reprenant pas mal de monde. 31km, c’est terminé pour l’avant-dernier jour ! 32ème en 4h22’, Cyril finit en 4h44’, le premier en 3h13’ et la dernière en 5h57’.
Fait regrettable, les médecins ont disqualifié Sandrine. Elle a fait preuve d’une volonté incroyable, poursuivant l’effort malgré l’état de ses pieds. Je n’aurais jamais poursuivi pour ma part avec la moitié de ce qu’elle avait, j’en suis sûr. Mais ce jour là, les médecins ont considéré que s’entêter dans cette voie pouvait la mener dans un état grave, et l’ont faite stopper. Difficile d’accepter ça, quand il ne reste que 30km sur 225, mais parfois la raison l’emporte sur la passion. Nul doute que cette jeune femme reviendra et remportera cette fois son défi.

SIXIEME ETAPE : Tout droit plein sud !

Au moins, on ne peut pas dire que l’étude du road-book de cette étape nous aura pris du temps. En nous le remettant, Gérard a été assez simple, et complet dans ses propos : « Voici le road-book, bon vous n’en avez pas plus besoin que ça, puisque aujourd’hui c’est 20km plein sud, tout droit sur la plage. Pas d’alternative. ». 20km de plage… J’apréhende ! 20 longs kilomètres à courir comme un dahut, la jambe gauche deux centimètres plus haute que la droite, vingt longs kilomètres à voir le même paysage, à fouler le même sol, le tout en plein cagnard… Bah, on verra bien ! Au pire il y a l’océan pour se rafraîchir un peu, d’ailleurs on doit traverser le courant de Huchet vers le douzième kilomètre, ça brisera la monotonie.
Ce sixième et dernier départ ressemble un peu au premier. Nous avons été acheminés jusqu’à la plage, l’arche de départ est en place, nous sommes positionnés dessous. Peut-être un petit peu moins nombreux, bien plus sales, beaucoup plus fatigués qu’il y a six jours, mais la volonté d’en terminer est plus que jamais présente sur les visages. Il est près de midi, il fait très chaud. Le dernier compte à rebours est égrené par les organisateurs et les coureurs, et c’est parti pour les vingt derniers kilomètres de la première Trans’ Aq !
L’allure est donnée dès le départ : à fond. Pas de questions à se poser, la plupart des coureurs partent à toute vitesse, faisant fi des 205km qu’ils se sont enfilés les jours précédents. Encore une fois, je pars plutôt prudemment, ne souhaitant pas me blesser dans la dernière étape, ce qui n’est pas rare et serait vraiment trop bête. D’autant plus qu’au général, le coureur me précédant est à près de vingt minutes, et le suivant à plus d’un quart d’heure. Je n’ai donc que peu d’espoir de remonter, et pas de craintes pour derrière en gérant correctement.
Les kilomètres s’enchaînent en solitaire, je profite au maximum de ces minutes courues sur la plage, instants que je ne retrouverai sans doute pas avant longtemps. Les jambes tournent bien, aucune gêne ni douleur n’est à signaler, alors petit à petit j’accélère. Parti aux alentours de 8km/h, je finirai proche de 12km/h.
Nous jouons au yoyo avec un autre concurrent, selon les choix de passage sur la plage : souvent il redescend en bordure de l’océan, pour trouver de petits cailloux et un sol ferme mais humide, alors que je préfère rester un peu plus haut, quitte à avoir un sable où l’on s’enfonce légèrement mais qui est déjà presque sec.
Douzième kilomètre, le courant de Huchet est en vue. Aujourd’hui, pas de chichis, l’arrivée n’est qu’à 8km de là, alors tant pis pour les pieds, ils feront le reste du trajet mouillés ! Sans réfléchir une seconde, comme la plupart des autres coureurs, j’entame la traversée du cours d’eau d’une petite dizaine de mètres de large sur un maximum de 80cm de profondeur à bonne allure. C’est vite difficile de courir, alors on marche tant bien que mal, mais on avance plutôt bien malgré le courant. Il paraît que certains ont chut, pour ma part ça se passe bien, et arrivée de l’autre côté je ne perds pas une seconde de plus, repartant de plus belle à l’assaut des quelques kilomètres de plage restant.
Il fait vraiment chaud maintenant, très chaud, et tous nous n’hésitons pas à nous hydrater très régulièrement. Sur les deux heures j’aurai vidé ma poche à eau de 2,5 litres sans regret. La configuration de la plage nous oblige maintenant à courir très près de l’eau, voire de traverser de petites mares d’eau de mer, tant mieux, ça rafraichit, et de toute façon les pieds sont déjà mouillés ! Maintenant l’allure est vraiment rapide, ce qui peut paraître incroyable au vu de la distance déjà parcourue les jours précédents, mais les jambes sont bien là, et l’issue proche donne envie de se donner à fond.
Je guette les coureurs me précédant, essayant de détecter la silhouette de Gilles, mais non, cette fois-ci, il sera allé au bout de son effort sans craquer, et me précèdera de 5 minutes à l’arrivée. D’ailleurs on se double peu à mon niveau, par contre il semble que devant la course ait donné lieu à une jolie bataille. Un jour peut-être, je vivrai ces moments, pour l’instant je me contente de profiter de la balade, et ma foi c’est bien agréable ainsi.
Enfin l’arche d’arrivée se découpe sur la plage, à gauche. Une petite centaine de mètres en remontant sur le sable mou, toujours en courant malgré la double difficulté, et ça y est, la sixième et dernière étape est bouclée ! Pleuvent alors les félicitations des coureurs déjà là, les serrages de mains, les tapes amicales dans le dos, le petit speech au micro… Et puis la ruée sur la table où sont entreposés pêle-mêle pâté, saucisson, fromage, yoghourts, pain, fruits, bière… Un véritable régal !
Les arrivées continuent de s’enchaîner, et à chaque fois c’est un déluge d’applaudissements qui accueille le coureur. Tous y ont droit, c’est vraiment enthousiasmant de se voir ainsi récompensé à l’arrivée par ses pairs. Certains franchissent la ligne en pleurant, d’autres en riant aux éclats, d’autres enfin sans manifester d’émotion. Mais tous sont heureux d’avoir terminé cette première édition de la Trans’ Aq, quelque soit la place à l’arrivée. Il fallait être de cette première.

CONCLUSION : Une aventure à vivre absolument

De l’avis des experts en la matière, la Trans’ Aq est une épreuve relevée, d’un niveau supérieur à son équivalent le fameux Marathon des Sables à cause du sable, mais plus confortable grâce aux bivouacs bien organisés. Gérard Caupène l’a voulue ainsi, et son pari s’est révélé parfaitement tenu. Cette première édition fut magnifique, les témoignages laissés par les participants sur le site de la course sont éloquents. L’épreuve est reconduite pour l’année prochaine, elle sera sans doute de dimension plus importante mais l’équipe saura lui conserver cette part d’aventure. Les paysages traversés ont été à la mesure de ce qu’on pouvait espérer, tout y était : la mer, le sable, les dunes, les pins, les sentiers ombragés… Et enfin les relations humaines lors de la course n’ont pas manqué d’être présentes, des liens se sont indiscutablement noués.
En ce qui me concerne, je m’incline devant l’ensemble des supporters connus et moins connus, forumistes, UFOs, amis, parents, et bien entendu mon amie qui a voyagé avec moi sous la forme d’un livre (Bon sang, que ça pèse lourd un livre imbibé d’eau au bout de deux jours de course !). Je ne retournerai sans doute pas sur la Trans’ Aq l’année prochaine, il y a tant à découvrir en France et ailleurs, mais j’ai vraiment aprécié la balade. Alors pour passer une semaine hors du monde, il n’y a guère mieux à deux pas de chez vous, je vous conseille sans détour la Trans’ Aq en juin 2006.

1 commentaire

Commentaire de JACADY posté le 17-09-2006 à 13:53:00

C EST SUPER BIEN RACONTER
DAN PEUT ETRE EN 2007

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