Récit de la course : Rand'orientation des Pèlerins 2010, par La Tortue

L'auteur : La Tortue

La course : Rand'orientation des Pèlerins

Date : 1/5/2010

Lieu : Montpellier (Hérault)

Affichage : 1299 vues

Distance : 110km

Objectif : Pas d'objectif

4 commentaires

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Mon premier abandon !

Et oui, dans le titre, il y a déjà la fin de l’histoire, mais je vais développer un peu !

Ces « Pèlerins des antennes », la cinquième édition de la randotrail des Pèlerins, voilà des mois que j’y pense et que j’en rêve !!!

Je suis persuadé que ça va être une course comme jamais il n’y a eu encore (en France, c’est sur, et peut être même plus loin ?!). Une course pensée, réfléchie, murie pendant des mois par le Poc ! De lui, je m’attends à tout : de la technicité en orientation, des difficultés stratégique, physique, mentale, tout ça dans des paysages magnifiques. Il faudra être fort physiquement et courir aussi avec la tête. La règle est simple trouver un maximum de balises dans un délai imparti maximum de 24h, pour une distance de 110 km environ. Vu le dénivelé de l’arrière pays montpelliérain, la tache s’annonce difficile. Nous sommes sur les premiers contreforts du massif central, et même si ce n’est pas vraiment la montagne, ce ne sont pas non plus des collines. En plus, ce sera ma seule sortie longue en CAP avec un peu de dénivelé avant l’UTMB, donc je compte sur cette course pour me tester physiquement suite à une préparation hivernale copieuse, avec un gros vélo. J’ai opté pour la version « solo », et dans ma tête, je suis parti pour rester dans ma bulle pendant les 24h et ramasser toutes les balises. Après ce sera la course qui me fera évoluer dans ma tactique.

Ce 1/mai à 3h00, je me lève de ma tente après avoir très bien dormi. Pas de stress, affuté physiquement,  je suis  prêt, confiant et déjà concentré dans ma course. Surtout assurer les premières balises de nuit pour ne pas perdre trop de temps ni d’influx, la journée va être longue, très longue. C’est tout juste si je salue Karine et l’électron tellement, je suis déjà concentré ! pardon les amis, la bise quand même !

 

Je récupère les 4 cartes au 30/1000, 10’ avant le départ : pétard ! ça s’annonce copieux, et avec beaucoup de dénivelé. Comme prévu me direz-vous !

200 m de course, je trottine gentiment dans le troupeau et crac, je me tors la cheville sévèrement. La douleur, à froid, est violente, mais s’estompe au bout de quelques centaines de mètres. Mes chevilles sont tellement laxes après 15 ans d’entorse au volley qu’elles se tordent facilement, mais ce n’est jamais bien méchant !

Les premières balises s’enchainent facilement dans la nuit, d’autant que lorsque l’un d’elle résiste un peu, le crépitement des « flashs » autour de la balise en facilite l’accès final. A ce stade du récit, il faut préciser que le Poc, dans sa « génialitude », a eu l’idée de remplacer les classiques balises de CO à poinçons ou à doigts électroniques par des croix peintes en orange directement sur l’élément à trouver. Et la preuve du « poinçonnage » de la balise est la photo que les concurrents doivent prendre de la dite balise. Pour les équipes duo, l’équipier doit être sur la photo, preuve que les équipes sont bien passées ensemble à la balise. Génial et simple, il suffisait d’y penser.  Avantage, il est sur de pas se faire piquer des balises, les « balises » peuvent être posées et vérifiées longtemps à l’avance et de façon très précises ; inconvénient, une croix de 50 cm de côté peinte sur un caillou, c’est beaucoup plus difficile à trouver qu’une balise de CO, surtout la nuit. Mais, le Poc revient ainsi aux fondamentaux de la CO qui ne sont pas de trouver des balises, mais de trouver des éléments physiques sur le terrain. Il faut bien lire les définitions pour trouver la croix ! génial ! Inconvénient cependant, il faut à chaque fois sortir l’appareil photo, le carton de pointage, et la feuille de définition. Pour un solo comme moi, c’est à chaque balise une perte de temps non négligeable car cela oblige à poser la carte à chaque fois et à tout ranger ensuite !!!

Balise 4/5, le Poc nous attend et surveille ses ouailles. Malgré sa hernie discale qui le cloue à son fauteuil roulant, je vois dans ses yeux toute la jubilation de voir « sa » course enfin partie avec tous ces orienteurs lancés à la chasse à la balise !

Balise 6 : petite dépression à l’écart du chemin, sans point d’attaque évident. Après avoir bien compté mes pas (le GPS est interdit), je rentre dans le taillis quelques mètres avant l’endroit où devrait se situé la balise que je trouve facilement, « au jugé » et je sais que quand je tombe comme ça sur les balises, c’est que je suis dans un bon jour…Inch allah ! Mais, elle était vicieuse celle-là. Le poc n’avais pas été trop méchant jusque là pour laisser à tout le monde d’entrer dans la carte, mais, je sens que l’échauffement est terminé et que les choses sérieuses vont commencer côté orientation.

Balise 7, première montée, je me sens super bien. Je  suis parti prudemment, je dois me situé à peu près au milieu du peloton, mais je n’ai pas perdu un seul instant en orientation. Me voilà dans la courbe, où je suis persuadé que la balise se trouve. Devant moi, 4 équipes, dont celle des toulousains de la Linotte sont passé à fond devant le poste ! Je m’étonne, je ne trouve pas la ruine dans laquelle est annoncée la balise. Je cherche une bâtisse délabrée et je commence à douter de ma position quand je me rends compte que je SUIS dans la ruine et que la balise est à 10m devant moi ! OK,c’est donc  ça la « ruine », chez nous on appelle ça un muret ou un tas de cailloux ! ok, le Poc veut jouer les malins en plus, il va falloir être vigilants les copains ;-)

Balise 8 : c’est le « Pèlerins des antennes » ! nous voici à la première d’entre elle. La au moins, l’élément est facile à trouver, il fait au moins 30m de haut ! ça me rappelle cette tour aux rogaines en Estonie avec le Poc que l’on voyait à plus d’1 km !

Balise 9, je cherche sans succès un petit ruisseau qui devrait m’amener droit à la balise, mais je ne le trouve pas et il fait encore nuit, et je ne me vois pas m’aventurer dans la garigue. Je fais le tour par le chemin. C’est la première balise vraiment difficile : une dépression de 3 m de diamètre, ce n’est pas évident à trouver sur une carte au 30/1000, en plein dans le vert et sans point d’attaque marqué. Je parts , au feeling, dans la garigue peu fournie à cet endroit et je tombe pile dessus ! Ca le confirme que je suis dans un bon jour en orientation et que les balises n’ont qu’à bien se tenir J

Balise 10, les lueurs de l’aube sont là. Peut être un peu de déconcentration et une lecture difficile de carte, mais le tunnel que je pensais trouver facilement au bout de la route est en fait un tout petit boyaux d’1.50 de hauteur qui passe sous la grande route dont je mettrais quelques minutes à trouver l’entrée. Je me plie en deux et je traverse le goulet les pieds dans l’eau ! Le poc s’est inspiré du raid28 sur cette balise ;-))

Balises 11 et 12 : sans difficulté, ni dans le cheminement, ni dans l’attaque de poste. Je suis bien dans la carte et dans la course.

Il fait grand jour maintenant, je m’arrête pour enlever ma Lupine (vraiment génial ce matos, merci encore à Fred d’airXtrem pour ses conseils), faire une pause technique et m’alimenter un peu tout en marchant pour ne pas perdre de temps !

Tiens, revoilà le Poc, toujours dans son fauteuil à veiller sur SES coureurs. Il me demande comment ça va et je m’entends lui répondre « impeccable ».

Balise 13 : attaquable par le chemin ou par la route. J’opte pour la route plus roulante, mais qui nécessite une traversée de garigue un peu épineuse pour atteindre la butte rocheuse. Les chênes kermesses sont toujours aussi piquants depuis ma venue en 2006 ;-)

Balise 14 : énorme connerie due à un pécher d’orgueil comme je m’étais pourtant bien interdit de faire. Le GR amène « naturellement » à la balise mais par un chemin assez long avec des épingles à cheveux. Or sur la carte, il ya un sentier puis un ruisseau qui raccourci beaucoup le tracé. Erreur de vouloir passer par là, d’abord le sentier se perd dans la garigue et ensuite, je ne trouverais jamais le ruisseau. Après m’être fait abondamment rayé les cuisses (je suis parti en court), je suis finalement obligé de remonter sur le GR pour atteindre la balise, que je dépasse sans m’en rendre compte car déconcentré et râlant contre moi-même après cette erreur de benjamin. C’est l’équipe des kikous de Superstef et Tounik qui me remettra dans le droit chemin, non sans que j’ai failli abandonner ma première balise. Entre mon détour dans la garigue et mon erreur d’attaque de poste, j’ai bien du perdre ½ heure dans la bataille, je peste, je fulmine et je m’apprête à sortir mon appareil photo pour me venger de cette balise 14 qui m’aura fait perdre tant de temps et d’énergie et là…catastrophe : l’appareil n’est plus dans la petite poche latérale dans lequel je le mets. Je retourne sur mes pas, mais bien rapidement j’abandonne car si je l’ai perdu dans la garigue, je n’ai aucune chance de la retrouver.

Le cheminement jusqu’à la 15 est facile et me permet de réfléchir à la situation et de me calmer tout en courant allègrement sur la route. Il me reste mon appareil téléphone avec lequel je peux faire des photos et pour les 13 première balises, j’ai le carton de pointage sur lequel il faut noter les signes distinctifs (un nombre de points) décrits sur chaque balise. Et j’espère que ma bonne foi sera pris en compte pour preuve de mon pointage de toutes les balises jusqu’à maintenant. En effet, à ce moment là de la course et malgré mon erreur, je suis toujours parti pour bien figurer et la perte de 13 balises d’un coup serait catastrophique pour mon classement final !

La balise 15 est magnifique, au bord du fleuve hérault. L’endroit donne envie de revenir s’allonger sur les dalles rocheuses en compagnie de sa belle ou de venir y taquiner le poisson !

Balises 16 (au fond d’un cimitère désaffecté dont on se demande si quelques zombies taquins ne vont pas sortir pour vous chatouiller sous les bras).

Balise 17: pas de difficultés. On traverse un pont magnifique sur l’Hérault pour y accéder.

Que va-t-il sortir de la grotte à la 18 : un farfadet ? un diablottin déguisé en poc avec un chapeau rouge ? Il se dégage de cet endroit et de ce trou noir, une ambiance « compte de fée » assez mystérieuse, façon Harry Potter !

Balise 19 :  comment l’attaquer ?? j’hésite ?? C’est une balise qui me parait hyper difficile, et sans point d’attaque évident, je décide donc de partir…à l’azimut : 400 bon mètres dans une végétation luxuriante, il faut une sacrée dose d’optimisme, mais je n’en manque pas à cet instant ! Il y a de magnifiques grappes de fleurs blanches très hautes qui facilitent la prise d’azimut à court terme et alors qu’un grand nombre d’équipes jardinent, je tombe pile sur l’élément qui est un tout petit muret en piteux état qui n’était pas évident à trouver. Clic clac, photo vite fait et je laisse les autres farfouiller. Bonne chance les copains, parce que si tu ne trouve pas le muret, tu n’as aucune chance de trouver la balise qui est une petite croix peinte au pied du bout du muret.  Cette balise difficile et facilement ramassée, me regonfle et me remets dans la course puisque je rattrape l’équipe de DomiGrosCamion et les toulousains que j’avais perdus après mon escapade dans la garigue. J’en profite pour remercier l’équipe de Domi qui me donne les quelques indications nécessaires pour remplir mon carton de pointage car j’avais oublié de noter certaines balises et comme je n’ai plus mon appareil photo, ce sera la seule preuve de mon passage !

Balises 20 et 21, échaudé par mon erreur de la 13, j’opte pour l’option chemin, d’autant que c’est très roulant et que je me sens en bonne forme physique. Mais sur ces parties où je cours pourtant vite et bien en ligne,  je commence à ressentir un point douloureux sur mon quadri droit. Celui-là même qui avait fini très très fatigué et douloureux après mon BRM de 300km le samedi précédent. Dans la semaine, je m’étais bien reposé et la douleur avait totalement disparue, pensant qu’il ne s’agissait que de courbatures, mais le retour des douleurs me laisse à penser qu’une lésion est toujours là, latente.

Balise 22, long poste à poste avec un magnifique chemin sur lequel je pourrais trottiner avec entrain si la douleur ne se faisait pas plus pesante. Je traite pas bi-profenid et ibuprofène, en espérant une accalmie, mais rien n’y fait. EN effet, ce sont des médocs qui marchent bien sur les problèmes inflammatoires articulaires ou tendineux, mais pas trop sur les pb musculaires.

Arrive l’ascension vers la deuxième antenne. Une longue montée avec de jolis pourcentages dans sa première partie pour atteindre, via un chemin de croix, un christ, puis une vierge magnifique qui surplombe toute la vallée. Je me surprends à prier dans cette montée, envahie par la « réligiosité » de l’endroit. Mais perdue dans mes pensée et mes « ave maria » je ne vois pas la vraie cata arriver : sur un appui un peu plus fort, je ressens la douleur fulgurante, en coup de poignard à la base du vaste interne droit, juste au dessus et en dedans du genou. Je les connais par cœurs ces douleurs, caractéristiques de la déchirure musculaire. A ce stade, seules quelques fibres trop sollicitées ces derniers temps ont du lâcher, mais ça a bien « claqué ». J’essaie de positiver et de continuer en raccourcissant les pas. De toutes façons, là où je suis, il faut que je continue. Je suis sur un petit sentier de chèvres escarpé et aucun secours ne peut venir me chercher là.

J’atteins enfin la deuxième antenne, le temps se couvre mais la vue sur la vallée est superbe. Je souffle un peu et fait le point. Il reste plus de 70 km, au minimum sur un terrain très cassant, il est hors de question de les faire dans cet état. D’abord je ne passerais pas les barrières à cette vitesse là, et je risque d’aggraver la déchirure de façon très importante. Il y a 2.5 km de piste à 4x4 en montée légère, jusqu’à PC1 où il est prévu un rapatriement. J’hésite à appeler les secours pour qu’on vienne me chercher, mais en marchant et en boitant doucement, je pense pouvoir rejoindre le PC sans enquiquiner tout le monde. Il me faudra près de 2 heures pour faire ces derniers km. Toujours aussi joueur, j’irais quand même poinçonner les balises qui sont faciles et c’est donc après 7h de course et toutes les balises en poche jusque là que j’annonce mon abandon officiel à Patrick qui est le sympathique membre du MSO qui tient le poste. On me bichonne, je développe difficilement ma couverture de survie qui est dans mon sac depuis tant d’année car elle est toute « collée ». Patrick m’emmitoufle dans une couverture, je mange, on m’offre du thé et je m’endors, plus vaincu par la déception que par la fatigue !

Je suis rapatrié en voiture sur la base de départ. De voir toutes les voitures et les tentes sur le parking, vides de leur occupants qui sont toujours dans les montagnes, me flanque un cafard noir. Ils sont tous là bas, et moi comme un couillon, je suis là avec ma pate folle ;-(((

Je démonte mon matos vite fait juste avant l’orage.

Je ne veux et ne peux pas rester sur la zone de départ/arrivée. Je vais donc faire la bise à Pockemonita et prendre congé des bénévoles du MSO qui prépare déjà le ravito d’arrivée.

La déception est immense, pour la course bien sur, mais aussi pour le Poc. J’aurais tellement aimé la finir et bien y figurer à SA course que j’en suis désolé. Mais, occupé comme il l’est par la course qui bat son plein, je renonce à aller l’enquiquiner avec mes petites misères en allant le voir au PC2, et je file comme un voleur, la queue entre les jambes ;-((

Une bonne nuit, une bonne douche chaude plus tard, quelques coups de fil aux copains plus tard, la tortue a repris du poil de la bête. Maintenant, rien ne sert de se lamenter, il faut se soigner bien comme il faut et attendre des jours meilleurs, en se disant que ce repos forcé me sera peut être bénéfique en deuxième partie de saison si la blessure est bien cicatrisée !

Je laisse ceux qui sont allé plus loin raconter la suite, j’ai appris que les conditions météo furent dantesques et que seulement 6 solo et 11 équipes ne finiront ! Et que même le vainqueur ne ramènera pas toutes les balises. C’est dire la difficulté de la course physiquement et techniquement  !!!

Je savais que ce serait une course d’anthologie, la météo l’a rendue encore plus sélective et impitoyable ! Ma déception de ne pas la finir n’en est que plus forte, mais c’est comme ça, il faut accepter. Il faut bien une première fois, mais pour un premier abandon, après tant de km parcourus sur des terrains si variés, j’aurais préféré sur n’importe quelle autre course et surtout pas chez mon ami le Poc.

Un dernier mot : MERCI CHRISTIAN ! Ne change pas, garde ta folie géniale, laisse ton esprit « planer » tel le faucon pèlerins sur ce pays que tu connais si bien et continue à donner  autant de plaisir aux coureurs !

  

Bien Amicalement,

La tortue

  

4 commentaires

Commentaire de Jay posté le 03-05-2010 à 16:54:00

bravo pour cette partie de la course.. sage mais si dure decision ... bons soins et bonne récupération. Manque que qlqs photos dans ton récit pour imager un peu plus "ta" course.

Txo, Jay

Commentaire de _azerty posté le 04-05-2010 à 09:02:00

j'étais tout triste de te voir emmitoufler dans ta couverture.

Allez Damien, on remet le couvert en 2012 !!!

Faut avoir des coroness pour le faire en solo !!!

Commentaire de tounik posté le 07-05-2010 à 13:07:00

Nous avons été surpris de te voir sortir des buissons, on pouvait vois sur ton visage que tu étais un peu chaffouin.

J'espère comme toi que la réussite de cette course entrainera d'autres magnifiques éditions.

Bravo pour la 19 à l'azimut, nous on a fait comme les autres, on a jardiné ...

Commentaire de leptitmichel posté le 07-05-2010 à 23:38:00

Salut ma tortue,

Prend le temps de bien te soigner... Tu as encore des gros trucs qui t'attendent...

Les pèlerins en solo c'est un sacré morceau, et la blessure ne pardonne pas, alors kepp cool...

A peluche

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