Récit de la course : Marathon Seine-Eure 2005, par djemjy

L'auteur : djemjy

La course : Marathon Seine-Eure

Date : 16/10/2005

Lieu : Amfreville Sur Iton (Eure)

Affichage : 2358 vues

Distance : 42.195km

Objectif : Objectif majeur

5 commentaires

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Marathonien!

16 octobre 2005, 5h00

Mon polar 625SX sonne, d’habitude il me dit « ton coeur va trop vite », mais là c’est « lève-toi et marche ». C’est LE MATIN de mon unique et seul objectif, à savoir Le Marathon. Je vise moins de 4h et je me fous de le finir pourvu que ce soit en moins de 4h. Dans les jambes je pense avoir 3h45 sans problème mais depuis une semaine j’ai une crève carabinée et je doute. Ca fait 3 mois que je m’entraîne pour ce p.. de marathon et je suis malade aujourd’hui.
Je me lève donc et vais déjeuner bien copieux, j’en profite pour me moucher et j’entame le premier paquet de mouchoir de la journée, ils seront nombreux. La préparation du matos est faite mais on revérifie toujours au cas où on aurait oublié les pompes ou même la clef de 10 pour se resserrer les jambes (quand on prévoit, on fait pas semblant). Ma tendre épouse, je dis ça parce qu’elle lit mes CR, puis elle se connecte avec mon pseudo et ensuite vante mes mérites alors que vous chers lecteurs, non. Ma tendre épouse, disais-je donc, se réveille enfin ainsi que mes trois voyous et en moins de deux nous montons dans la voiture avec approximativement, deux m3 de matériel allant du lit de bébé pliable jusqu’au réchaud à gaz et en passant par une carte de la Charente maritime « je sais qu’on en a pas besoin, mais on sait jamais ».
Ma stratégie est simple : 8h15 je récupère mon dossard à Amfreville-sur-Iton, 8h30 je m’habille en coureur, 8h45 je m’échauffe, 9h je pars, 13h moins une j’arrive, et ensuite j’ai la semaine pour cicatriser. Je suis fier de la simplicité de ce plan et compte bien le suivre à la lettre.
Une centaine de borne plus tard, nous arrivons à Amfreville-sur-Iton et tout se déroule parfaitement. Je récupère mon dossard, je m’habille, je m’échauffe entre deux toux plus ou moins grasses et que vois-je, mon cher polar qui m’indique 130 puls par mn pour une vitesse de 7km/h ! Je suis mal barré !

Je me mêle aux autres coureurs après avoir embrassé ma femme et mes enfants et en attendant le départ je papote avec deux ultrafondus qui après Christian Scifo me mettent l’eau à la bouche. Le départ est retardé et nous devons attendre 9h15 pour nous élancer. Nous sommes 324 plus 80 ekiden et 5 handisport qui partiront devant et qu’on ne reverra plus avant l’arrivée.

Et voila le départ avec votre serviteur au bout de la flèche.

J’vous dis la vérité, j’ai tout prévu pour éviter le mur du 30ème, comme je suis un porteur d’eau, j’ai mis dans mon camelbag, 2 litres de boissons caloriques et j’emmène huit gels de 30g donc le goût n’est pas sans rappeler …, enfin, de plus je me suis mis au régime pâtes depuis jeudi midi. C’est bien simple, je dois dégouliner de glycogène alors le mur du 30, je m’en tape.
Le départ étant lancé, je fais comme les autres, je cours. Il me faut environ deux kilomètres pour me mettre dans le rythme, j’ai décidé de courir juste sous le seuil, c'est-à-dire moins de 170 puls pour moi. D’habitude je tourne presque à 12km/h mais avec la crève, je ne peux pas dépasser 5’30 au kil. Moi pas véloce mais moi endurant, pour un marathon ça craint un peu non ? D’ailleurs après ce marathon, je vais reconsidérer ces histoires de seuils lactiques qui à mon avis ne veulent rien dire du tout. Ceci étant et chemin faisant, je me fais dépasser par à peu prés tout le monde et je passe au 5ème en 27’50 ce qui prouve que ce p… de polar déconne légèrement mais en ma défaveur, quand il me dit 5’30 il faut lire 5’35 et merde. Le parcours est très roulant et assez sympathique, la température est idéale, je prends un premier gel. J’ai prévu d’en prendre un tous les 5 kils et de boire une gorgée d’isostar tous les kils, normalement ça devrait épargné suffisamment mon glycogène pour finir sans pépins. J’ai la zik sur les oreilles et j’ai tendance à ralentir sur du Alan Parson Project et accélérer sur du Rita Mitsouko, va savoir pourquoi. On a passé Acquigny et on se dirige vers louviers. Les organisateurs ont prévu une boucle de 6 kilomètres au nord-ouest de louviers et ce à partir du 10ème. En gros le 10 et le 16 sont séparés par des cônes en plastoc rouge et donc quand j’arrive au 10ème en 55’45, j’ai le plaisir de me faire dépasser par des ekiden partis 15mn après nous et de croiser pratiquement les premiers. Mon cœur bat toujours vers 170 et ma vitesse est relativement constante, si je maintiens ça je dois faire moins de 4h. Aux ravitaillements je ne prends rien et ça me permet de doubler enfin deux potes et un troisième larron accroché à leurs basques. Ce larron en profite pour prendre ma roue (je suis désolé mais en plus je suis motard) et il ne me quittera pas avant le 32ème kil. Ma femme qui s’est déplacée sur le parcours nous prendra en photo et vous pouvez constater que je lui ai déjà sorti une connerie vu qu’il rigole comme une baleine.

Ce cher Mickael et moi-même allons discuter pendant 20 bornes supportant les cuisses qui durcissent, les petites montées assassines et les faux plats faux frères. Son record en distance est de 28-qui-en-vaut-30 sur un trail et moi c’est 27-qui-en-vaut-27 sur les bords de l’oise. Ma vitesse lui convient ainsi que ma conversation car vous ne le devinerez jamais je suis une pipelette. Il m’explique qu’il a des potes qui font l’ekiden et que d’ailleurs au 15ème une de ses copines avait prévu de l’accompagner. On y arrive au 15 et sa copine est là mais elle a un lumbago. Il pleure presque quand il constate qu’il va falloir me supporter encore longtemps mais bon, c’est la vie. Porté par la perspective de retrouver un autre pote au kilomètre 20, nous longeons l’eure sur une sorte de faux plat qui ne casse pas vraiment les jambes mais qui n’en finit pas. Les spectateurs se font rares sur cette portion et les encouragements viennent des bénévoles mais le cadre est joli malgré la grisaille ambiante. J’arrive à un nombre de Kms qui chez moi signifie « les mollets font mal » lors de mes entraînements et la, rien. Les cuisses chauffent, Mickael me dit qu’il a une certaine lourdeur dans les jambes mais le polar continue de nous donner le rythme et nous arrivons au 20ème vers St-Etienne du Vauvray en 1h52 à peu près, le semi est, lui, passé en 1h58 : du bonheur.
Son pote est là, il attend qu’on lui donne le relais pour faire ses 10kms et il nous promet de continuer après le 30ème pour nous accompagner et finir avec nous. Du 20ème au 25ème on va essayer de deviner s’il va nous rattraper entre le 30 et 35, ce qu’il fera d’ailleurs. Au ravito du 25, Mickael marche un peu et comme je trouve sa compagnie agréable, je fais comme lui. J’en suis à mon 5ème gel et ma poche à eau est à la moitié. On repart toujours au même rythme et on s’approche du 30ème ce qui constitue notre record personnel à tous les deux. On se dit aussi que le premier doit être arrivé et déjà au massage pendant que nous on se prend la flotte sur la figure. Au 30ème, on remarche et Mickael est à l’agonie, 2h48 qu’on court et il a du mal à tenir la cadence. Il prend un gel, il pisse, il boit mais ça ne pas. Au 32ème malgré mes encouragements, il préfère me libérer, sachant que mon objectif, c’est moins de 4h. Je le laisse en espérant que son pote le reprenne et l’aide jusqu’au bout. Je lui dis à tout à l’heure et j’essaye d’accélérer un peu pour rester dans les temps. Mon cœur monte à 183 et il me reste 10 bornes à faire. Pour faire 42kms, les organisateurs nous font prendre une route qui longe l’eure, on voit la seine juste derrière, on est pas loin de la jonction entre les deux fleuves et au bout de la route on doit faire demi-tour et revenir sur nos pas avec un pointage à l’extrémité pour éviter les raccourcis. C’est très éprouvant pour les nerfs, mais j’arrive au 35ème et je croise Mickael et son pote, j’ai un bon kilomètre d’avance et je suis content de voir qu’il s’est refait la cerise et qu’il n’est pas tout seul.
On redescend vers Val-de-Reuil le long de l’eure et ce sont les 5 kils les plus longs de ma vie. Je suis toujours dans le rythme mais j’ai l’impression de ne pas avancer. Il est où ce putain de 40ème kilomètre. Les regards des gens ont changé, on a plus de 35 bornes dans les pattes et ils discernent l’exploit, ils lisent sur nos visages la fatigue, le ras-le-bol et l’envie d’en finir. Ils nous encouragent, ils nous poussent mais ils ne sont pas nombreux hélas. Je double 3 ou 4 mecs qui ont pris le mur et qui finissent comme ils peuvent, je les encourage mais j’ai de plus en plus de mal. Le voila le 40ème en 3h45, plus que 2,2 à faire en moins de 15mn, je vais y arriver. Une douleur au diaphragme me signale que la fin est proche, je cours mais l’arrivée a été modifiée et je n’en savais rien, je m’attends à finir par deux virages à droite et c’est l’inverse. Un des bénévoles me dit « un virage à droite puis deux fois à gauche et c’est fini ! ». J’ai envie de lui dire, « T’as gueule, ça t’écorcherais de dire que c’est la prochaine à droite, c’est moi qui cours merde », mais je suis poli et fatigué et me contente de sourire.

L’arrivée est enfin là, un monde fou, la fête et je passe la ligne en 3h57’30’’, mission accomplie. Je récupère une médaille, de l’eau, un maillot et ma famille. J’attends Mickael en faisant des étirements, j’ai un peu mal aux cuisses mais pas aux mollets. Je ne reverrai pas Mickael, je l’ai loupé, il finira en 4h06 et merci encore pour le bout de route, la souffrance à deux c’est presque confortable. Une douleur au pied gauche me montre l’impensable, avec la préparation quasi militaire que j’ai mise en œuvre pour ce marathon j’ai oublié de me couper les ongles des pieds ?!? Une autre douleur sous l’aisselle droite me confirme que 42kms à pied ça use les souliers et le camelbag ça brûle sous les bras. Allez, cadeau, je vous montre la photo d’un mec qui en a plein le cul…

C’est fou, on dirait moi. Le marathon était super, l’organisation nickel, l’année prochaine, je reviens et j’espère te revoir Mickael.
Le temps se gâte, je me sustente en vitesse, on reprend la bagnole, on rentre, je suis marathonien.

5 commentaires

Commentaire de Fred27 posté le 20-10-2005 à 08:28:00

Bravo, belle histoire et belle aventure, à plus.
FRED27

Commentaire de luclafrat posté le 20-10-2005 à 09:22:00

Bravo, tu as su te contenir, garder un rythme constant et atteindre l'objectif que tu t'étais fixé sans souffrance ecxessive. Chapeau.
Luc.

Commentaire de schmoll posté le 20-10-2005 à 11:15:00

Sympa ce CR.

Côté "émotions", il traduit en fait ce qu'on pense tous, notamment dans les 5 dernières bornes.

Commentaire de Geronimo posté le 20-10-2005 à 15:42:00

Super compte-rendu et surtout superformancce !
C'est vrai que l'on a beau être motivé", 42 kms ça doit être long. Je ferais mon premier marathon à paris en 2006 avec le même objectif que toi, à a savoir 4 h. Puisse-je avoir la même volonté !
Encore bravoooo!

Commentaire de Freddo71 posté le 25-10-2005 à 17:35:00

Bravo
On y est presque, c'est pour ça que quelqu'un comme moi, qui ne connaissait pas, apprécie à la fois le reportage, et bien sûr l'immense effort dont il est question...
Instructif

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