Ré-introduction des grands prédateurs, attention danger

Discussions sur des sujets moins sérieux en rapport avec les sports d'endurance.
Le hors-sujet y est toléré, mais dans une certaine limite : le sujet doit commencer par [HS], le HS doit rester minoritaire, et les sujets polémiques, agressifs ou contenant des attaques nominatives, ne sont pas tolérés (et seront supprimés par les modérateurs).

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 07 Avr 2023, 11:59

La réintroduction des prédateurs est un sujet aux multiples facettes, qui cristallise certaines des tensions qui existent au sein de nos sociétés urbaines, entre ceux qui défendent la nature depuis la ville et ceux qui la vivent depuis la campagne.

Ours et loups font l'objet d'un refus total de la part des éleveurs des zones concernées. Le pastoralisme est bien évidemment menacé par la présence des prédateurs, sauf dans les discours sur les réseaux sociaux où des experts, en tout, expliquent à distance que c'est la faute aux bergers et surtout qu'avant ou ailleurs tout allait bien.

Pour se faire une idée de si ça va bien 'ailleurs', voici une carte : https://ep-map.com/

Du côté des éleveurs, la crispation est grande, et on se demande si leur "ah quand au lieu de nos bêtes il y aura un humain qui se fera attaquer, le discours changera!" est un avertissement légitime ou un souhait inconscient.

En tout cas ce thème est omniprésent depuis le départ chez les éleveurs : il existerait un vrai danger, et pas que pour les troupeaux, qui est absolument nié dans le discours public au sens large.

Ce décalage entre les deux visions, celle citadine et celle des locaux, a poussé un gars comme Reinhold Messner (premier homme à faire tous les 8.000 sans oxygène, ex-député européen écologiste) à dire qu'un tel débat ne pouvait pas être conduit au niveau de la société globale, parce que les opinions des gens qui vivent les problèmes réels, au quotidien, seront submergées par celles des gens qui ne les vivent pas et/ou s'en font des idées romantiques (genre que la présence d'un grand prédateur est un symbole d'une nature qui va bien! alors qu'on voit bien que l'augmentation exponentielle des loups en France n'empêche en rien d'avoir les eaux potables polluées par le métabolite du chlorothalonil R471811). Les grands prédateurs et leur réintroduction, sont un symbole, et un problème insoluble, parce que justement à la limite entre le concret et l'imaginaire.

En tout cas, le conditionnel du 'vrai danger' peut-être remplacé par l'indicatif. Le danger pour l'homme existe.

Un ours vient très probablement de tuer un runner dans la Val di Sole, dans le Trentin, ce jeune de 26 ans (diplômé universitaire en Sciences motrices -bref sport-) venait de se faire une belle séance de D+, il courrait à la descente en forêt quand le drame est arrivé.

https://www.open.online/2023/04/07/trentino-andrea-papi-ucciso-orso-cosa-sappiamo/

L'autopsie n'est pas encore effectuée, mais clairement la thèse de l'ours convainc beaucoup les habitants de cette vallée, et la presse nationale italienne, qui traite du sujet partout avec des photos d'ours et notamment des rappels sur le fait que, pas très loin dans la vallée, un ours a déjà attaqué des promeneurs le mois dernier.

Messagepar eha » sa fiche K
» 07 Avr 2023, 12:28

sujet intéressant mais qui mélange beaucoup de thèmes, qu'il faudrait analyser un à un.
je suis d'accord avec Messner et ce qu'il dit peut se transposer à tout sujet de société, d'où le fait que la méthodologie pour débattre de sujets tels doit vraiment être adaptée.

Sur les ours, plutôt que des articles anxiogènes et souvent faux (ou partiellement vrai)..je m'attacherais plutôt à dépiauter des analyses scientifiques qui doivent exister ici ou là.

Lors d'un voyage en Ontario j'avais découvert sur des sites gouvernementaux de la Province une base de donnée intéressante d'articles sur les ours, études comportementales en milieu périurbain, gestes à connaitre pour éviter les pbs etc...je ne doute pas que le sujet ait passionné et continue d'intéresser les chercheurs. J'ai notamment découvert que l'endroit ou je voulais faire mon footing matinal était truffé d'ours à l'année (l'Ontario est une région ou il y a une population élevée d'ours - je n'en avais aucune idée)

Extrait d'un article : 59 attaques mortelles - ayant fait 63 décès – perpétrées par des ours noirs entre 1900 et 2009 au Canada et aux États-Unis, des chercheurs dirigés par le Dr Stephen Herrero de l’Université de Calgary (Canada) ont constaté que 88% des cas semblaient liés à un comportement réellement prédateur, imputables à des mâles pour 92% d’entre eux.
Et un ours anthropophage a plus de risques de réattaquer qu'un autre.

Il apparaitrait également que ce chiffre (tout de même très faible) est en augmentation constante : plus de sport de plein air, plus d'ours amené à se rapprocher des zones urbaines, en recherche de nourriture.
Par comparaison : en France 1 à 5 personnes meurent par piqure de vipère en France chaque année en moyenne. Les ours restent encore des petits joueurs.

Pour avoir vécu aux USA et parcouru souvent le Canada, la connaissance moyenne des habitants quant aux mesures de protection, dissuasion, prévention face à l'ours est bien plus élevée que chez nous également. Il est clair qu'on a une marge de progression vis à vis de la population sédentaire proche des lieux de vie des ours ou tout population amenée à pratiquer une activité de plein air dans une zone à risque.

quant à ce qui concerne l'ours et le loup vs. l'élevage, j'ai mon opinion, mais comme dit Mesnner, je ne suis pas directement confronté à la problématique, alors je m'abstiens.

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 07 Avr 2023, 13:47

Justement, ce qui est intéressant... dans les comparaisons avec l'incomparable, c'est de penser l'occupation des zones de montagnes européennes en comparaison avec celles de nature sauvage du continent Nord-Américain où vivent des grands prédateurs et d'où proviennent des "idées" sur la cohabitation.

J'avais choisi la British Colombia comme voyage de noce en pensant aussi au Grizzly, un rêve de gosse, le truc le plus proche du grizzly que j'ai vu c'est un panneau : sentier fermé pour cause de grizzly. Et le tout dans une zone où il n'y avait presque pas de sentiers :lol: bref, notre possibilité de rencontrer un ours (pas gentil comme le grizzly) était grosso modo de zéro, tout était fait pour nous le faire éviter.

Hertz m'avait passé une carte en format A4 d'une zone plus grande que la France, j'ai pris une route marquée sur cette carte qui était en fait un chemin de terre avec un panneau "ici l'homme blanc est arrivé en 1911", je fais de mémoire, mais c'était au XX° siècle, bref un désert humain!

Très peu d'hommes, très très très peu de sentiers, une nature... naturelle.

Le Trentin, ou le Haut Adige d'où parle Messner, c'est une montagne complètement habitée, dont le paysage, si propice au tourisme (les Dolomites! :shock: :shock: :shock: ), est complètement façonné par l'homme et principalement par les éleveurs.

Les "Malghe", ces alpages, magnifiques, habités uniquement l'hiver, n'existeraient pas sans l'homme et sans les animaux qui broutent... le jeune en question, celui dont vous pouvez lire partout en ce moment, il était parti d'en bas, avait parcouru la forêt, jusqu'à l'alpage, la Malga Brum.

Du coup forcément, et c'est impossible autrement, le thème des grands prédateurs en Europe n'existe pas sans celui de l'élevage de montagne, et la montagne telle qu'on la connait sur les cartes postales en dessous des pierriers, n'existe pas sans l'élevage.

Dans un débat sur l'ours, Messner dit ceci :
"Mantenere i contadini in montagna è interesse di tutta la collettività, perchè senza agricoltura la montagna muore. Non a caso è proprio questo oggi il grande problema delle Alpi: la gente che se ne va, perchè dove questo succede è finita. Si disgrega il tessuto socioeconomico e viene meno la cura del territorio. È nostro compito quindi creare le condizioni perchè la gente possa restare a vivere in montagna, e la gestione dell’orso fa parte del pacchetto."
Conserver les paysans à la montagne est de l'intéret de toute la collectivité, parce que sans agriculture la montagne se meurt. Cela n'est pas un hasard si aujourd'hui le principal problème des Alpes sont les personnes qui partent, parce que là où cela se passe tout est fini. Le tissu socio-économique se désagrège, et il n'y a pas plus de soins apporté au territoire. Il est de notre devoir de créer les conditions afin que les personnes puissent rester et vivre à la montagne, la gestion de l'ours en fait partie.

On ne peut, comme le dit très bien Messner, penser les grands prédateurs en Europe indépendamment de la présence humaine de qui vit à l'année sur les mêmes territoires et à un rôle essentiel en rapport à la préservation/l'entretien de la nature. Le pastoralisme dans les zones de montagne européenne, c'est une ressource environnementale, pas une menace.

Messagepar 5Marcus1 » sa fiche K
» 12 Avr 2023, 16:04

L'autopsie a-t-elle livré son verdict ?

Le sujet de la réintroduction de l'ours ou du loup est un sujet pour lequel je n'ai pas d'avis tranché (comme pour le nucléaire par exemple), des arguments favorable et défavorable de même niveau existant.

Ces animaux occupaient la montagne avant nous et ne pas leur faire une place sous prétexte de vitalité économique m'inquiète comme à chaque fois où l'on décide de prioriser les billets verts à ce qui nous fait "vraiment" vivre...
D'un autre côté, je comprends l'inquiétude des éleveurs et des riverains qui se sentent démunis face à cette menace qu'on avait appris à oublier, son absence depuis une ou plusieurs vie d'homme ayant laissé la possibilité de parcourir la montagne et/ou la forêt comme jamais. J'adore aller courir ou rouler en pleine nature donc je fais partie des "proies" potentielles

J'adhère donc au discours d'eha, le compromis est la solution, de la prévention des populations nouvellement confrontées aux prédateurs, des vrais moyens de protection sans pour autant tuer, des compensations aux éleveurs, etc
Je parle certainement comme un citadin (que je ne suis pas, mais je ne suis pas montagnard donc je dois être classé parmi les romantiques) mais comme tous les sujets, celui-ci demande une réponse nuancée et appuyée (mais en est-on encore capable vu que maintenant il faut toujours être pour ou contre)

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 14 Avr 2023, 11:09

5Marcus1 a écrit:L'autopsie a-t-elle livré son verdict ?

Oui, le jeune traileur est bien mort à cause des blessures reçues de la part de l'ourse JJ4.

JJ4 avait fait l'objet, à la suite d'une attaque précédente, d'une autorisation à l'abattage : elle devait être éliminée. Des associations ont fait recours, elles ont gagné, la suite est connue.

Il y a une nouvelle autorisation à l'élimination de JJ4 et MJ5 (un mâle suite à une attaque début mars 2023), les recours auront lieu, etc. mais le problème restera, car il n'est pas que lié à la malchance d'une rencontre fortuite avec un exemplaire agressif.

Les ours du Trentin se multiplient à la suite d'une ré-introduction d'ours slovènes, ils créent de nombreux problèmes du fait de leur nombre trop important par rapport au territoire. La Slovénie vient d'annoncer une "réduction" du nombre des ours présents sur son territoire de 230 unités au moins.

5Marcus1 a écrit:J'adhère donc au discours d'eha, le compromis est la solution, de la prévention des populations nouvellement confrontées aux prédateurs, des vrais moyens de protection sans pour autant tuer, des compensations aux éleveurs, etc

En ce qui concerne le loup, le grand prédateur que je connais mieux, et dont l'expansion a été favorisée, il n'y a pas de vrais moyens de protection, les données officielles françaises indiquent que l'énorme majorité des attaques (90%) ont lieu sur des troupeaux protégés (ce qui est logique : toutes les aides sont liées aux moyens de protection mis en place).

Le plan loup français, outre les aides à la protection, les remboursements en cas de prédation, prévoit le contrôle du nombre de loup (19% de la population est "contrôlée" chaque année - comprendre éliminée-).

Au-delà des aides, qui n'arrivent jamais à 100% des besoins qui se créent (par exemple, un berger salarié rendu nécessaire dans des zones où il ne l'était pas, est remboursé sur la base de 35 heures par semaine... mais les brebis vivent 24h00 par jour et les loups aussi!) , les données des abattoirs ovins indiquent que, dès qu'une meute s'installe, la productivité des troupeaux de la zone baisse de façon significative.

Si le loup est là, les attaques existent et sont dommageables, point.

Bref il s'agit d'une contrainte psychologique et économique énorme qui porte sur une activité essentielle à la nature : l'agro-pastoralisme. Certains paysages et traditions à cet égard sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

https://whc.unesco.org/fr/activites/818/

C'est ça LE truc. Les personnes et les activités qui subissent le poids des nuisances des grands prédateurs, ce ne sont pas les usines chimiques, les villes de plus de 100.000 habitants ou les aéroports... mais des activités en contact étroit avec une nature et un environnement qu'elles contribuent à façonner, entretenir, et aussi protéger.

5Marcus1 a écrit:Je parle certainement comme un citadin (que je ne suis pas, mais je ne suis pas montagnard donc je dois être classé parmi les romantiques) mais comme tous les sujets, celui-ci demande une réponse nuancée et appuyée (mais en est-on encore capable vu que maintenant il faut toujours être pour ou contre)

Quelque part, on est tous citadins, ou presque... Mais en Europe, la nature est aussi habitée, et c'est quand même super curieux que l'on considère un berger et son troupeau plus "nocif" pour l'environnement qu'un type qui va bosser en métro pour Buygues, qu'on fasse porter le regard critique sur les communautés rurales peu peuplées et pas sur l'énorme empreinte rendue nécessaire par notre civilisation urbaine dans son ensemble.

En Italie d'où j'écris, l'autorisation d'abattre 2 ours par la région Trentin soulève un tollé sans nom, or dans la ville proche de chez moi on élimine les rats des villes, là où je vais à la mer l'été il y a des désinsectisation de moustiques, et là ça passe crème.

Il ne faut pas oublier que les grands prédateurs sont aussi les fruits de la mauvaise conscience citadine : on veut faire quelque chose pour la nature alors on ré-introduit... mais sur place, le besoin ne se faisait pas sentir, bien au contraire.

Le thème n'est pas le danger réel, en espérant que la famille du jeune ne lise pas ces mots qui pourraient apparaître sans capacité d'empathie, car tous les ours des d'Europe ne feront pas autant de morts que les avalanches du week-end dernier, mais la cohérence/incohérence de nos visions des enjeux des problèmes. Notre rapport collectif à l'environnement est problématique, mais l'envisager uniquement de façon symbolique autour de quelques gros animaux serait le traiter principalement pour alléger nos consciences. Cela ne serait pas une solution, mais au contraire et à bien des égards un problème...

Par exemple, a-t-on conscience qu’être en faveur des grands prédateurs c'est favoriser l'élevage industriel?

Le dialogue est extrêmement difficile sur ces thèmes, aujourd'hui tout est conflit, prises de position enflammées pour ne pas dire 'flame' tout court. Mais il me semble que l'on ne peut envisager un rapport plus sain à l'environnement en augmentant les tensions entre univers citadin et monde plus rural.

Messagepar Yvan11 » sa fiche K
» 14 Avr 2023, 13:36

Je comprends tout à fait ton raisonnement, et y adhère en très grande partie, mais je n'arrive pas à comprendre en quoi l'"agro-pastoralisme est une activité essentielle pour la nature".

Pour les paysages, oui, pour le tourisme, oui, mais pour la nature ?

Messagepar Cedric09 » sa fiche K
» 14 Avr 2023, 13:44

Sylvain IT a écrit:C'est ça LE truc. Les personnes et les activités qui subissent le poids des nuisances des grands prédateurs, ce ne sont pas les usines chimiques, les villes de plus de 100.000 habitants ou les aéroports... mais des activités en contact étroit avec une nature et un environnement qu'elles contribuent à façonner, entretenir, et aussi protéger.

Désolé mais c'est tout le contraire. 2000 moutons en pâture, cela n'entretiens ni protège la nature !!!
C'est tout le contraire. Dans les zones sur pâturés, la biodiversité en prend un sacré coup.
L'argument de protection de la nature, de façonnage des espaces ce n'est pas le meilleur des arguments.
Et pour le comprendre, il suffit d'observer les différences quand on va en montagne entre les zones avec ou sans pâturage.

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 15 Avr 2023, 11:46

Yvan11 a écrit:Je comprends tout à fait ton raisonnement, et y adhère en très grande partie, mais je n'arrive pas à comprendre en quoi l'"agro-pastoralisme est une activité essentielle pour la nature".

Pour les paysages, oui, pour le tourisme, oui, mais pour la nature ?


Il s'agit d'un concept de nature "anthropisé", ce qui correspond bien évidemment à l'Europe telle qu'on la connaît, mais a également un sens concret en matière de biodiversité.

Dans la région Piémont, des experts ont étudié les pâturages d'alpage, des zones fréquentées par les troupeaux donc. Après l'arrivée du loup, les troupeaux pâturent différemment, sont conduits vers des enclos le soir, etc. que se passe-t-il alors pour l'herbe?

L'analyse des différentes espèces d'herbe montre que là où les troupeaux ne passent plus, il y a moins d'espèces d'herbes présentes, les arbustes arrivent, ensuite un bois, etc. non seulement le paysage se ferme, mais aussi les espèces diminuent.

Là où je vis, Appenin central, que se passe-t-il avec la fin de l'agro-pastoralisme? Les bois de hêtres tendent à occuper tout l'espace... n'importe qui sait que dans les bois de hêtres, il y a du hêtre, ou du hêtre! Les espaces herbeux disparaissent, les espaces de lisière aussi, et avec eux la faune et la flore de ces espaces...

Voilà comment concrètement la "nature" est affectée par la présence de l'agropastoralisme de façon positive : il y a une biodiversité liée aux espaces tels qu'on les connaît.

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 15 Avr 2023, 12:18

Cedric09 a écrit:
Sylvain IT a écrit:C'est ça LE truc. Les personnes et les activités qui subissent le poids des nuisances des grands prédateurs, ce ne sont pas les usines chimiques, les villes de plus de 100.000 habitants ou les aéroports... mais des activités en contact étroit avec une nature et un environnement qu'elles contribuent à façonner, entretenir, et aussi protéger.

Désolé mais c'est tout le contraire. 2000 moutons en pâture, cela n'entretiens ni protège la nature !!!
C'est tout le contraire. Dans les zones sur pâturés, la biodiversité en prend un sacré coup.

Effectivement, les cas particuliers existent, mais ne sont pas la règle.

Je prends l'exemple d'une région particulière : Nouvelle-Aquitaine (j'ai trouvé rapidement des données), ben seulement 3% des troupeaux ovins y ont plus de 500 bêtes et 50% du cheptel est dans les troupeaux de moins de 300 bêtes... Bref on voit aisément que le troupeau de 2000 moutons n'est pas la règle.

:arrow: Sans compter que toi/moi/nous ce que l'on voit ce n'est pas un troupeau de 2000 moutons sans loup, mais au contraire un troupeau qui est géré pour s'adapter à cette contrainte.

Et là je renvoie au message juste au-dessus : oui, la nouvelle gestion des pâturages a des aspects néfastes.

Un autre élément néfaste de la gestion imposée par les loups, outre le sur-pâturage, la présence de déjections concentrées, des zones détruites autour des enclos : la présence des chiens de protection rendus nécessaires de par la présence du loup. Vous pensez que ces chiens ils font quoi? qu'ils ne mettent jamais un coup de dents dans un quelconque animal?

Personnellement j'ai connu des brebis libres dans la Vanoise (jusqu'au début des années 90), gardées à-la-neige' elles redescendaient avec les premières chutes de neige, l'éleveur s'occupant en première personne des foins et des vaches. J'ai vu des brebis libres en Norvège, idem, juste en-dessous des glaciers. C'est comme ça que sont les veaux ou les génisses sevrées dans les zones encore sans prédateur du Sud Tyrol en Italie, des parties du cheptel sont (étaient?) libres au-dessus des zones où agriculteurs et éleveurs s'occupaient du foin et des autres bêtes (vaches à lait notamment).

Clairement, cette forme d'élevage où la symbiose avec l'environnement est/était grande ne peut survivre à la présence des prédateurs... mais l'élevage hors sol en plaine, lui ne souffrira de rien!

C'est ça la dichotomie qu'il faut bien voir : quel type de gestion agricole est impacté ou pas.

Ma conviction profonde c'est que c'est l'élevage le moins en harmonie avec la nature qui ne souffre pas de la présence des grands prédateurs ré-introduits.

Messagepar Twi » sa fiche K
» 19 Avr 2023, 16:07

Sylvain IT a écrit:Ma conviction profonde c'est que c'est l'élevage le moins en harmonie avec la nature qui ne souffre pas de la présence des grands prédateurs ré-introduits.


Un prédateur qui se serait lui même introduit partout dans le monde à partir d'Afrique de l'Est il y a une quinzaine de millions d'années et moultes fois ré-introduit depuis à grand renfort de destructions d'habitat et de disparitions de d'espèces ça rentre aussi dans cette catégorie anxiogène ? :mrgreen:

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 21 Avr 2023, 19:00

Le sujet sérieux, c'est la ré-introduction des grands prédateurs comme feuille de vigne (et là aussi si on s'y intéressait de près il s'agit de figuier) de l'absence de vision de l'environnement dans sa globalité.

On te met des prédateurs, alors qu'ils ont des conséquences négatives sur le monde rural potentiellement à impact zéro, et on mobilise les foules sur des non-sujets comme en ce moment en Italie : "sauver JJ4".

C'est la version Disney de la politique, malheureusement.

On parle ici de sauver JJ4, pas du tout de comment gérer tous les ours qui créent des problèmes dans le Trentin, ou encore de l'impact des prédateurs sur le pastoralisme et donc sur la typologie d'élevage.

Et JJ4 mobilise les émotions, et le vrai problème n'est même pas vu.... sur les sites pas favorables aux ours, on voit des vidéos d'ours édifiantes : genre des ours qui escaladent des balcons au premier étage dans les villages, qui poursuivent les gens dans les lotissements, des mères qui disent "ah non dans les bois on n'ira plus avec des enfants".... mais dans les villes à des centaines de km de là sauver JJ4 ça paraît vachement important...

:roll:

Messagepar huralp » sa fiche K
» 22 Avr 2023, 10:02

Yvan11 a écrit:Je comprends tout à fait ton raisonnement, et y adhère en très grande partie, mais je n'arrive pas à comprendre en quoi l'"agro-pastoralisme est une activité essentielle pour la nature".
Pour les paysages, oui, pour le tourisme, oui, mais pour la nature ?


Une étude a été faite, il y a quelques années sur la zone de la chaîne des Puys en Auvergne sur ce sujet car il avait été constaté que la forêt tendait à gagner en hauteur sur cette zone.
Les résultats montraient l'intérêt au niveau de la biodiversité d'empêcher cela, tant au niveau de la faune que de la diversité végétale. De ce fait un plan d'agro-pastoralisme a été mis en place sur certaines zones.
Je suis en possession de dessin fait par l'abbé Léon Boudal (1858 - 1934), fondateur de l'école de peinture de Murol, ces dessins concernent la zone du Lac de Chambon, de Murol et de la Vallée de Chaudefour.
Aujourd'hui quand vous êtes au sommet du Tartaret et que vous regardez en direction du Lac de Chambon, vous ne voyez que de la forêt, début 1900 cette zone était principalement une zone d''agro-pastoralisme avec des pâtures et peu de forêt.
Je pourrais citer bien d'autres exemples proches du Mont Dore.
Pour autant a-t-on gagné en diversité végétale et de la faune, toutes les études tendent à montrer le contraire (dynamique végétale et dynamique des populations).
De plus, il ne faut pas s'arrêter au visuel concernant ce sujet, l'évolution du sol et du sous sol est tout aussi important.
Dernière édition par huralp le 23 Avr 2023, 20:17, édité 2 fois au total.

Messagepar huralp » sa fiche K
» 22 Avr 2023, 10:35

Ce soir sur Arte à 20h50, " Les loups, sauveurs du parc de Yellowstone"
C’est déjà passé plusieurs fois, mais fort instructif.

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 18 Mai 2023, 18:29

Est-ce que le truc sur Yellowtsone parle bien de ça?
https://www.zoom-nature.fr/les-loups-de-yellowstone-une-trop-belle-histoire-naturelle/
C'est très clair et bien écrit.

Et sinon, toujours dans les trop belles histoires, en France et pas que, on nous parle aussi de la cohabitation réussie entre loups et activités humaines dans les Abruzzes en Italie. Bon, ben un petit up-date ou debunk depuis l'Italie...
https://www.tgcom24.mediaset.it/cronaca/abruzzo/parco-nazionale-d-abruzzo-avvelenati-animali_64920687-202302k.shtml
9 loups ont été empoisonnés en plein Parc National, des vautours et des corbeaux ont péri en cascade...

Souvent la réalité est moins belle que les mythes :idea:

J'ai aussi essayé d'appliquer les taux officiels de prédations sur les ovins dans les régions au cœur du Parc des Abruzzes à une région française, PACA, bon ben les éleveurs en PACA subissent moins de pertes que leurs homologues italiens.

Pour ceux qui aiment les sources : https://www.researchgate.net/profile/Simone-Angelucci/publication/344625693_DALLE_STRATEGIE_DI_COESISTENZA_CON_IL_LUPO_AL_SISTEMA_DI_VALORIZZAZIONE_DELLA_ZOOTECNIA_MONTANA_L'ESPERIENZA_DEL_PARCO_NAZIONALE_DELLA_MAJELLA/links/5f855237a6fdccfd7b5cc7e3/DALLE-STRATEGIE-DI-COESISTENZA-CON-IL-LUPO-AL-SISTEMA-DI-VALORIZZAZIONE-DELLA-ZOOTECNIA-MONTANA-LESPERIENZA-DEL-PARCO-NAZIONALE-DELLA-MAJELLA.pdf

Messagepar huralp » sa fiche K
» 19 Mai 2023, 14:08

Sylvain IT a écrit:Est-ce que le truc sur Yellowtsone parle bien de ça?


Il te suffit de le regarder pour savoir
https://www.arte.tv/fr/videos/078147-00 ... llowstone/

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 21 Mai 2023, 15:24

huralp a écrit:
Sylvain IT a écrit:Est-ce que le truc sur Yellowstone parle bien de ça?

Il te suffit de le regarder pour savoir
https://www.arte.tv/fr/videos/078147-00 ... llowstone/


Non, en Italie le lien me dit juste que la vidéo n'est pas disponible dans mon pays. En fait quand je pose des questions, c'est que j'espère une réponse constructive :idea:

Si j'avais su si c'était un discours de type construction de mythe ou bien un discours plus équilibré, et bien j'aurais parlé directement de ça, au lieu de généraliser (comme suit) sans savoir si ça va dans le sens du documentaire ou contre...

Les exemples liés au Parc de Yellowstone présentent des problèmes, dont je ne sais si le principal réside dans (parfois) les inexactitudes scientifiques ou dans (toujours) le fait que l'on fait souvent des comparaisons dénuées de sens entre les Parcs du Nord des Etats-Unis, et l'Europe occidentale.

En Italie, par exemple, sur les réseaux sociaux on compare la gestion de l'ours (ou autre) dans le Yellowstone et celle du Trentin, là où le jeune traileur a été tué par un ours...

- Le Yellowstone c'est 9.000 km2 pour 1.000 habitants
- Le Trentin c'est 6.000 km2 pour 500.000 habitants

Il est clair que les comparaisons entre deux réalités territoriales aussi dissemblables, sur les problématiques liées à la gestion de la faune eu égard à la cohabitation des activités humaines avec les grand prédateurs, ont un sens à dire peu limité.

La nature européenne est fortement anthropisée, le contexte réel est celui-là, après on peut discuter des effets de l'anthropisation sur notre environnement.... évitable, inévitable, à mieux gérer, etc.

Mon point de départ pour cette réflexion sur les grand prédateurs en Europe occidentale, c'est que l'activité pastorale est une forme d'anthropisation éminemment moins négative, voire potentiellement positive, pour l'environnement de montagne/moyenne montagne que ne l'est l'urbanisation des sols (impact des villes!), ou encore l'industrialisation de l'élevage (où on consomme plus d'eau bleu et moins d'eau verte par animal) dans les zones où celles-ci ont lieu.

Même si bien évidemment on pourrait peut-être argumenter que l'industrialisation de l'agriculture dans son ensemble est aussi une conséquence de l'urbanisation, au travers notamment de la grande distribution.

:arrow: Le loup, partout où il s'installe durablement, est un problème important, pour ne pas dire crucial, pour le pastoralisme et la gestion du territoire liée à celui-ci.

Messagepar AldeBleau » sa fiche K
» 29 Août 2023, 23:37

Un peu plus proche et moins vaste que le Yellowstone...

Je vous confirme que le loup est désormais bien présent en forêt de Fontainebleau.
"Croisé personnellement", à moins de vingt mètres, au sud du massif, et en pleine journée...

(Aucune confusion possible avec un chien, tant dans la stature, la robe, démarche, la posture, et le comportement.) Individu semblant être un mâle, et à-priori isolé.

A suivre.

Messagepar POCox » sa fiche K
» 30 Août 2023, 13:23

Le loup à Fontainebleau :shock: Sans en vouloir à cet animal qui ne fait qu'aller là où l'homme le laisse tranquille, c'est à dire relativement peu d'endroits in fine, on n'est pas si loin de le voir débarquer sur les Champs Elysées ...

Messagepar Galaté57 » sa fiche K
» 30 Août 2023, 15:33

POCox a écrit:Le loup à Fontainebleau :shock: Sans en vouloir à cet animal qui ne fait qu'aller là où l'homme le laisse tranquille, c'est à dire relativement peu d'endroits in fine, on n'est pas si loin de le voir débarquer sur les Champs Elysées ...


Qui a t-il de plus dangereux entre un loup et certains énergumènes sur les Champs-Elysées... :mrgreen:

Messagepar Sylvain IT » sa fiche K
» 06 Sep 2023, 16:58

Le 27 juillet, un couple de jeunes a été attaqué par un canidé sur une plage en Italie : un loup selon le gars qui a tout fait pour protéger sa copine... que nenni disent tous ceux qui sont absolument convaincu qu'un loup n'attaquerait jamais l'homme.

Le verdict scientifique est tombé : c'est pas un loup, c'est une louve.

(source) https://www.isprambiente.gov.it/it/news/le-analisi-genetiche-di-ispra-confermano-che-lanimale-responsabile-degli-attacchi-a-vasto-e-una-femmina-di-lupo

ISPRA = Institut Supérieur pour la Protection et le Recherche Environnementale

En gros il s'est passé, et se passera encore, ce qu'avait annoncé l'INRAE en France dès 2017 :
"Il y a eu un processus assez long et interactif de modification des comportements de plusieurs catégories d’êtres interagissant de part et d’autre de la lisière, loups, ongulés, bétail, humains, jusqu’à une approche menaçante d’un humain vulnérable par des loups de nuit."

https://www.inrae.fr/actualites/quand-loups-franchissent-lisiere

En Italie, il y a eu déjà plusieurs épisodes où on est allé un peu plus loin que "l'approche menaçante", on en est aux morsures.

PS Clairement on a nettement plus de chance de se faire mordre ou attaquer par un chien de protection, mais bon la présence de ces derniers est une conséquence évidente de la présence du loup... et/ou des grands prédateurs.

Messagepar laulau » sa fiche K
» 10 Sep 2023, 15:52

Sylvain IT a écrit:Le 27 juillet, un couple de jeunes a été attaqué par un canidé sur une plage en Italie : un loup selon le gars qui a tout fait pour protéger sa copine... que nenni disent tous ceux qui sont absolument convaincu qu'un loup n'attaquerait jamais l'homme.

Le verdict scientifique est tombé : c'est pas un loup, c'est une louve.

(source) https://www.isprambiente.gov.it/it/news/le-analisi-genetiche-di-ispra-confermano-che-lanimale-responsabile-degli-attacchi-a-vasto-e-una-femmina-di-lupo

ISPRA = Institut Supérieur pour la Protection et le Recherche Environnementale

En gros il s'est passé, et se passera encore, ce qu'avait annoncé l'INRAE en France dès 2017 :
"Il y a eu un processus assez long et interactif de modification des comportements de plusieurs catégories d’êtres interagissant de part et d’autre de la lisière, loups, ongulés, bétail, humains, jusqu’à une approche menaçante d’un humain vulnérable par des loups de nuit."

https://www.inrae.fr/actualites/quand-loups-franchissent-lisiere

En Italie, il y a eu déjà plusieurs épisodes où on est allé un peu plus loin que "l'approche menaçante", on en est aux morsures.

PS Clairement on a nettement plus de chance de se faire mordre ou attaquer par un chien de protection, mais bon la présence de ces derniers est une conséquence évidente de la présence du loup... et/ou des grands prédateurs.


Lors de ma rando trail en itinérance en juillet, je me suis quand même posé cette question lors de départs très matinaux dans les Hautes-Alpes et en Ubaye. Je suis tout seul dans un lieu isolé, il fait encore nuit. Est-ce qu'une meute de loup pourrait me menacer ? Tout comme elle pourrait menacer les quelques randonneurs solitaires en bivouac que j'ai croisés ? Cela ne m'a pas empêché d'avancer bien sûr mais j'y ai pensé alors qu'il y a 10 ou 20 ans, cela ne m'aurait pas effleurer !

Messagepar laulau » sa fiche K
» 21 Fév 2024, 09:31

J'ai vu le film "Vivre avec les loups" hier soir, c'est magnifique.
Touchante ode à la nature avec un personnage incroyable qui ne monte pas les hommes les uns contre les autres, qui écoute et respecte les différents avis. https://www.facebook.com/share/v/wr8GAo3oubeuHMcw/

Messagepar laulau » sa fiche K
» 26 Fév 2024, 08:06

Up ! Quelqu'un a vu le film ?

Messagepar philibert69 » sa fiche K
» 26 Fév 2024, 08:45

J'ai pas fesse bouc,sinon je l'aurais bien regarde...

Messagepar taroc78 » sa fiche K
» 26 Fév 2024, 09:16

laulau a écrit:Up ! Quelqu'un a vu le film ?


Moi j'ai vu les 3 et ce dernier plus porté sur le dialogue est très intéressant car il donne la parole aux bergers ,jeunes bergers et que de cette parole on dessine des terrains de discussions certes difficile mais l'on se parle.Et puis le loup est revenu de lui même non ? jusqu'en Bretagne et Cotentin...sacré farceur ce loup.

Messagepar Jiro » sa fiche K
» 26 Fév 2024, 10:57

laulau a écrit:Up ! Quelqu'un a vu le film ?


J'avais trouvé le 1er magnifique, le 2ème sensiblement moins bien et ce dernier volet dans la même veine que le 1er. Effectivement, beaucoup plus de place aux échanges et témoignages de bergers, mais aussi de chasseurs. La cohabitation n'est certes pas toujours facile, mais elle est possible, moyennant quelques concessions et évolutions dans les pratiques qu'il faut accompagner. Pour certains, ces concessions ont du mal à passer, car justement elles ont un goût de retour en arrière. Les témoignages des éleveurs des Abruzzes qui ont toujours vécu et cohabité avec des grands prédateurs (loups, ours) me semblent assez éclairants.

Messagepar laulau » sa fiche K
» 26 Fév 2024, 16:13

philibert69 a écrit:J'ai pas fesse bouc,sinon je l'aurais bien regarde...

J'ai mis le lien fb de la bande annonce du film mais le film est au cinéma !

Messagepar laulau » sa fiche K
» 28 Fév 2024, 09:19

taroc78 a écrit:
laulau a écrit:Up ! Quelqu'un a vu le film ?


Moi j'ai vu les 3 et ce dernier plus porté sur le dialogue est très intéressant car il donne la parole aux bergers ,jeunes bergers et que de cette parole on dessine des terrains de discussions certes difficile mais l'on se parle.Et puis le loup est revenu de lui même non ? jusqu'en Bretagne et Cotentin...sacré farceur ce loup.


Comme observé dans les montagnes pyrénéennes, les locaux montent moins dans les estives et laissent leur place à des jeunes plutôt "roots" et plus ouverts à la discussion et surtout à la biodiversité.

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